Ou encore la victoire du roman sur les autres genres, qui consacra le règne de la prose et, avec elle, celui de la syntaxe. "Le style est tout" : le mot d'ordre lancé par Flaubert s'est répercuté durant toute cette période, repris à l'envi (Céline en fait son credo) jusqu'à Claude Simon.
vendredi 16 octobre 2009
Citations..
"La vie, voyez-vous, ça n'est jamais ni si bon ni si mauvais qu'on croit." La célèbre phrase qui clôt ce roman naturaliste est extraite d'une lettre que lui avait adressée Flaubert : "Les choses ne sont jamais ni aussi mauvaises ni aussi bonnes qu'on croit." Une vie est d'ailleurs le plus "flaubertien" des romans de Maupassant.
mardi 1 septembre 2009
Notes
Karl Marx : Le Caractère fétiche de la marchandise et son secret
Theodore W. Adorno : Le Caractère fétiche dans la musique
Virginia Woolf : "Pourquoi les femmes sont-elles pauvres ?" (Une Chambre à soi, p. 44, 10/18)
William Tanner Vollmann : Pourquoi êtes-vous pauvres ? (Actes Sud, 2008)
Lino Ventura
Flic ou bandit. Homme.
Pâté/pain dans la maison du Deuxième souffle ; cf Gabin dans Touchez pas au grisbi : pâté/champagne (quand il héberge son vieux pote qui lui attire que des emmerdes)
Mains ; yeux ; jambes : curieuse rotation et lancé de jambes quand il se retourne sur lui-même (Deuxième souffle : les bandits face à la mer)
lundi 31 août 2009
De la bêtise — Robert Musil (1937)
Conférence prononcée à Vienne, à partir d'aphorismes imaginés plus tôt, auxquels il a voulu donner une forme plus vaste, afin d'éviter l'accumulation de formules utilisant le mot de façon trop répétitive, au risque de "rappeler une route bordée de panneaux publicitaires" (écrit-il)
Analyse portant à la fois sur la psychologie, de l'individu et du groupe, sur la politique, sur la culture et l'esthétique
Réf à l'Eloge de la folie de Erasme
Bêtise difficile à définir : Musil recourt aux exemples plutôt que de partir d'une définition préalable ; et donne plusieurs conceptions envisageables du terme
Forme d'incapacité à produire
Variabilité de la notion suivant les périodes ; rapport avec la conception de l'intelligence à une époque donnée
Passage sur le kitsch
Conclusion sur la modestie, meilleur parade à la bêtise, ou à l'image de bêtise que l'on peut donner de soi-même, du moins
samedi 29 août 2009
La Vie et les opinions de Tristram Shandy - Laurence Sterne
Bouvard et Pécuchet avant l'heure (Père philosophailleur et Oncle Tobie contradicteur retors)
Le livre de la combinaison, de l'association d'idées, de la métaphore
- remonter l'horloge le premier dimanche de chaque mois <—> "autres pensées" pour l'épouse du père Shandy (et vice versa)
(réf Locke)
TS instaure un prétendu dialogue direct avec le lecteur ou la lectrice : Madame, Jeannie (sa femme ? une amie ?), toutes sortes d'hommes respectables (ministres, excellences, honneurs, etc. —> dédicace sans destinataire nommé, offerte à qui le souhaite) et les critiques
I, VI TS fait appel à la patience et l'indulgence du lecteur au sujet de ses baguenauderies ("ne vous fâchez pas")
I, IX dédicace à la Lune, réf Candide et Cunégonde (le Candide de Voltaire paraît en traduction à Londres en 1757, en même temps que TS
I, X TS invite (met au défi) le lecteur de deviner la suite
Désignation de la lubie : dada, califourchon, cheval-jupon, turlutaine, "suivre son ver-coquin",
Théorie du DADA : tout le monde a un dada, les docteurs, les lords, etc. I, VIII "De gustibus non est disputendum"
L'écrivain en action, le work in progress, technique :
- I, XIV l'écrivain face à l'imprévu, à l'idée nouvelle, au travail de recherche qu'elle nécessite, le risque de perdre le fil
- I, XXIII : TS prépare, annonce le portrait de l'oncle Tobie : par quel moyen parviendra-t-il à le dépeindre le mieux ? TS rejette l'artifice de la Renommée de Virgile (Enée et Didon ; "instrument à vent") ; l'examen des selles et des réplétions ; l'utilisationd d'instruments mécaniques (pantographes, lentille) —> TS prétend que le meilleur moyen de décrire un homme est de parler de son cheval-jupon (son petit-DADA-chéri-à-son-Tobie)
Théorie de la prédestination :
- contrat de mariage prévoyait que la mère irait accoucher à Londres mais suite à un déplacement infructueux dû à une fausse alerte, le père impose que sa femme accouche à la campagne —> d'où ce qui s'est passé : la perte du nez (théorie d'une causalité fatale)
- prédestination des noms : Archimède, César vs Nicaise ; le père de TS sort l'argument incontestable du prénom Judas ; noms neutres comme Robert ; mais Nicolas serait l'autre nom de Satan. Application, démonstration par l'exemple : les malheurs de la tante Dinah (aventure avec son cocher). Le pire des noms selon le père : Tristram.
Théorie de la rhétorique :
- Ars Logica avec arguments ex Fortiori, ex Absurdo, etc. I, XXI : invention par TS de "l'Argumentum Fistulatorium (ou Argument de la Petite Flûte) : les cinq ou six mesures du Lillabullero de l'oncle Tobie (quand il ne comprend plus ou ne veut plus discuter) [+ Argumentum Tripodium = du Membre du Milieu, employé par une femme contre un homme ; Argumentum ad Rem = de la Chose en Question : sert exclusivement à un homme contre une femme]
- II, II des dangers des mots : Tobie avait grand peine à expliquer sa blessure, difficulté à expliquer la topographie (termes compliqués : (contr)escarpe, retour d'angle, glacis, chemin couvert, etc.). Tentative d'explication de l'origine de la confusion des idées (3 causes ; recours à Locke). Péril parce que les gens ne s'entendent pas sur le sens des mots
- réf érotèse ; prolepse ; épitase
Personnages :
- Tristram Shandy est le fils de Gauthier Shandy et Elisabeth Molyneux
- Pasteur Yorick : réf Yorick, le bouffon dans Hamlet. Mêmes origines danoises, prétendument. Histoire des chevaux de Yorick, toujours épuisés par l'utilisation par les sages femmes pour aller accoucher la frange lapinante et engrossante de la population -> Yorick va finalement se décide à acquérir un cheval ridicule et lent qui, du coup, ne sera plus sollicié pour les déplacements des accoucheuses. Portrait de Yorick en Don Quichotte : franchise dangereuse, habitude de plaisanterie, Yorick n'y voit pas à mal, sans mauvaise intention, naïveté de croire que ses interlocuteurs ne s'en fâcheront pas —> risque de vengeance soulevé par son ami Eugenius, vérifié par la vie : Yorick, accablé par ses détracteurs, serait mort de chagrin.
- Oncle Tobie : pudeur, pudicité, causée non par une nature féminine, mais par une blessure de guerre, à l'aine. Son DADA sera la cartographie militaire (et autres disciplines liées), origine : parvenir à expliquer clairement et précisément là où il a été touché par une pierre, sur le champ de bataille (à distinguer de l'endroit de sa blessure, sur son corps —> cf Madame Tampon à la fin du livre, ambiguïté de la question "où ?")
- Père : ancien marchand (import depuis la Turquie), retiré sur les terres paternelles
Métaphores :
- toisons et autres parchemins velus frisant sur les Pays-bas des bougresses (Dada d'un docteur)
- nez
- bas-ventre
- métonymies : "les braies" de l'invité qui voit des châtaignes tomber dans l'ouverture de ses braies
Pseudo-science (chez le père : souvent synthèses ± claires de livres scientifiques ± bien digérés) :
- obstétrique : la mère- accoucheuses vs le Docteur Bran
- ballistique
- rhétorique : réf Aristote,
- philosophie : Locke (II, IIEssai sur l'entendement humain : "C'est que je connais beaucoup de gens qui citent ce livre sans l'avoir lu, — et nombre d'autres qui l'ont lu sans l'entendre !" ; "l'histoire de ce qui se passe dans notre propre tête")
Auteurs cités :
- Montaigne
- Ambroise Paré (traité sur le nez)
- Socrate (et la maïeutique)
"un aliboron de baudet"
lazzi
gausseries
goguenarderies
trou-madame
panégyrique
nicaise
salauderies
pasquilles et pasquinades
gambillade et gambades
marrisson
frétillades
folâtreries
capriciosos des plus capricants
s'embarbouiller
s'emberlucoquer
chibalet
colas (imbécile)
coquefredouille
bégaud enfatrassé
emberlusé
disquisitions
étiologie
Anecdotes :
- histoire de Le Fiévré : son fils reçoit une tranche de pain qu'il grille au feu de lac cheminée : une "rôtie" (+vvin de Xérès = les deux classiques de la bouffe rapide du XVIII, XIXème siècle (avantures Dumas, Gautier...)
- voyage de TS en France : scènes de la poste : paiements aux étapes ; sommeil impossible ; avidité des personnels ; matériel rudimentaire ; comp avec l'Angleterre; description de Paris comme ville salle, pas pratique, dangereuse pour les piétons...
vendredi 28 août 2009
Reflets dans un œil d'or — John Huston (1967) d'après Carson McCullers
Dans un camp de la cavalerie américaine, dans le sud, un automne ; un meurtre est commis.
Brando est un commandant de cette unité (Major Weldon Penderton), il enseigne la stratégie militaire, il est marié à Elisabeth Taylor (Leonora). Lui a l'air bloqué dans son image de lui-même (muscu, tenue vestimentaire, comportement, commentaires sur les soldats, sur sa femme, etc) ; elle le trompe avec un haut gradé (Lt. Col. Morris Langdon) et le défie sur le plan sexuel. Le gradé a une femme un peu folle qui ne donne pas d'amour non plus, s'enfermant avec son serviteur particulièrement gay (Anacleto, un philippin, interprété par Zorro David), pour imaginer des choses artistiques, loin du réel.
Sûrement impuissant, Brando est un fétichiste qui se découvre attiré par les hommes (il vole des objets personnels comme une cuiller d'un service à couverts appartenant à un gradé un peu trop féminin au goût de la hiérarchie, mais pas à ceux de Brando ; un papier jeté par terre par le soldat qu'il suit / il fait un éloge de la vie en cantonnement)
Un soldat, chargé des soins de Firebird, le cheval de Leonora, chevauche une jument noire, à cru et fesses nues dans les bois : cette vision traumatise Brando qui va alors le fantasmer, jusqu'à ce qu'il découvre ce soldat au pied du lit de Leonora, en train de toucher ses draps (il est tout autant fétichiste que Brando), et, comprenant que ce soldat semble préférer Taylor à Brando, le tue à coups de pistolet.
BRANDO : corps impressionnant (scène de lever d'haltères ; corps sur le cheval : maladroit mais énorme) ; visage plastique effrayant (grimaces à la limite de la folie quand il se regarde dans la glace, se prend le visage dans les mains, passe du sourire à l'inquiétude...) ; voix (... nasillarde, à peine audible par moments)
Répliques :
Leonora au Lt. Col. Morris Langdon, son amant, à propos de sa femme, un peu tarée : Cutting off her nipples with garden shears! You call that normal? Garden shears!/ l'amant : Well, the doctors say she's neurotic. (plus tôt dans le film, Leonora fait une allusion à cette mutilation en disant que c'est le genre d'actes qu'une femme ne peut faire qu'une fois dans sa vie)
Taylor à Brando, montant l'escalier, après s'être dénudée pour exciter Brando et constatant que cela ne lui fait aucun effet (You disgust me) : Have you ever been collared and dragged out into the street and thrashed by a naked woman?
Alison Langdon (la femme un peu tarée, dans le salon de l'hôtel particulier où son mari l'a emmenée, après qu'elle a déclaré son intention de divorcer (et alors qu'elle multipliait les hallucinations — sauf que les visions d'apparition nocturne du soldat étaient fondées) : Alcoholics, paresis, senility. What a choice crew.
La Nuit de l'iguane — John Huston (1964) d'après Tennesse Williams
Richard Burton : Rev. Dr. T. Lawrence Shannon
Ava Gardner : Maxine Faulk
Deborah Kerr : Hannah Jelkes
(Sue Lyon : la nubile blonde et provoc — Lolita chez Kubrick — ici : Charlotte Goodall)
Un pasteur défroqué et alcoolique se retrouve à faire le guide pour des excursions au Mexique.
De la chapelle où il sermonne les fidèles d'un discours réprobateur à la limite de la folie, on le retrouve à Ciudad Juarez (près de la frontière : les USA, c'est El Paso), cuvant dans la rue avant de remonter dans un car promenant des rombières en goguette.
Allumé par une fille matronnée par l'une de ses clientes, il ne peut résister à ses assauts et la découverte de leur étreinte pousse la matronne à le faire révoquer par son patron (par l'intermédiaire du père de la fille, juge aux USA).
A bout de nerfs, le pasteur se réfugie chez une vieille amie qui tient une auberge dominant l'océan.
Là se retrouvent plusieurs paumés de la vie :
- le pasteur Shannon
- la patronne Maxine qui a perdu son mari un mois auparavant dans un accident de pêche, et comble son manque de sensualité avec deux beach boys locaux. On apprend que son mari avait 24 ans de plus qu'elle et ne lui donnait pas beaucoup d'amour physique — et qu'elle s'était déjà offerte au pasteur, ce qu'il avvait refusé par égard envers le mari et vieil ami.
- une vieille fille, Miss Jelkes, et son grand-père (Nonno), poète, prétendument grand, en fin de vie, qui parcourent le monde (et gagnent leur vie en dessinant des croquis pour elle, en récitant ses poèmes pour lui — mais on apprend la vérité de la bouche du grand-père ensommeillé : la femme fait les portefeuilles des clients des hôtels où ils passent)
Thématiques :
- les fantômes de la vie ("spook" pour Shannon ; "the blue devil" pour Kerr)
- les moyens que chacun use pour les combattre personnellement : alcool ("rhum coco") pour Shannon ; respiration pour Kerr ; beach boys pour Maxine / mais le plus efficace peut être un moyen imposé : Shannon est ligoté au hamac et sevré à l'aide d'un thé à l'opium le temps d'une nuit
- la nécessité de trouver son objectif : pour Nonno, écrire son dernier poème, son grand-œuvre ; pour Kerr, dans l'absolu, établir des communications, tisser des liens avec autrui, et ainsi bâtir son nid à soi —> par son excitation, Maxine révèle qu'elle désire profondément Shannon, à qui Kerr fait comprendre qu'il a lui-même réussi à former son propre nid sans même s'en apercevoir ; mais Kerr semble se refuser la possibilité de ce nid pour elle, et après la mort de Nonno et donc la disparition de son nid, elle n'accepte pas les avances de Shannon
- niveaux de la vie : réaliste et fantastique ; équilibre, passages incessant de l'un à l'autre ; idéal et réel...
L'iguane : capturé par les boys, il est attaché par une corde, destiné à être engraissé pour être mangé. Après son sevrage, Shannon libère l'iguane, en coupant la corde, comme Kerr l'a libéré symboliquement et physiquement (les deux ont joué à Dieu en modifiant le sort de l'animal)
Expressions :
- at the end of the rope = au bout du rouleau
- Shannon à propos de Charlotte : The child is emotionally precocious.
- Hannah Jelkes : There are worse things than Chastity, Mr. Shannon. / Shannon : Yes: lunacy and death.
- Shannon à propos de la matronne de Charlotte, dont la gouinité est centrale dans la distribution des forces : Miss Fellowes is a highly moral person. If she ever recognized the truth about herself, it would destroy her.
- Shannon à H. Jelkes : All women, whether they wish to admit it or not, would like to get men into a tied-up situation.
Le Mexique : dernière frontière, dernière étape, limite du paradis pour Nonno, lieu de vie primitive où il recherche la vérité qu'il souhaite exprimer dans son poème
—> cf Kerouac dans Sur la route : c'est au Mexique que finit sa vie d'errance, où une maladie le cloue au lit alors que Dean repart, c'est la dernière étape avant de "rentrer dans les rangs" et devenir un écrivain respectable...
—> cf un bouquin qu'un mec m'avait passé à l'Objectif Lune, l'histoire d'un homme qui entretient une relation étrange avec un homme plus âgé ; parti au Mexique, il se fait (pour se faire ?) tatouer, mais l'intervention cause une infection, fatale (?)
Connexions :
- Reflets dans un œil d'or : cf Shannon ligoté dans le hamac... Taylor qui domine Brando : Have you ever been collared and dragged out into the street and thrashed by a naked woman?
vendredi 14 août 2009
Paris ne finit jamais — Enrique Vila Matias (2003)
Argument d'une conférence à laquelle le narrateur est invité à revenir sur ses années de débutant écrivain à Paris, avec rapport à l'ironie (thème abandonné au cours du livre)
Années : fin 1960s-début 1970s
VM logeait alors dans une mansarde ("chambre") louée à Marguerite Duras (nombreux mois d'impayés), vivait grâce aux envois de son père (Valence ; père le presse de rentrer au vu de son inactivité ; sa mère, a voyagé à Paris jeune, en a tiré une originalité dans ses expressions ; qualifie VM de "gris", passage sur les raies, les rayures : VM comme un disque rayé, Paris comme une ville de raies Tour Eiffel, fenêtres, etc -> déjà dit par WBenjamin (?)
Parvenant à terminer "La lecture assassine", son premier roman, le narrateur finit par retourner chez ses parents
Nombreuses rencontres littéraires et "réelles"
Parcours du narrateur en quête de conseils, à travers des exemples littéraires ou de la part de personnes rencontrées
- la feuille de Duras et ses 8 rubriques —> va constituer pendant un moment du livre la trame de son déroulement : la vie du narrateur (personnes rencontrées qui oralisent une explication plus souvent que compréhension du sens par le narrateur lui-même) lui apporte des réponses à certains des questions soulevées par ces rubriques
- Duras : "Rimbaud ou Mallarmé ?" : l'aventure pour l'imagination contre l'appartement parisien
Ombres de :
- Hemingway : Paris est une fête (d'où est issue la phrase titre) ; le Vieil homme et la Mer (comme chant d'adieu d'un écrivain qui aura lutté toute sa vie et livre son dernier combat — Prix Nobel pas très bien accueilli) ; nbrs anecdotes sur H dans son rapport à la vie et à l'écriture, ses rapports avec Fitzgerald comme écrivain déjà célèbre
- Duras, forcément : VM fait ± partie d'une bande autour d'elle ; Benoît Jacquot (autour du film India Song)
- Pérec
- Sollers
- Gary ; Jean Seberg
- les personnages qui l'ont précédé dans la mansarde : Mitterand ("camarade Morand") pendant 2 jours de 1943 ; le bohème Bouvier (?) devenu fou à force d'y être resté enfermé selon ses dires
Références :
- Borges (laboratoires, source d'idées —> thématique du passé recréé, du futur irréel, des labyrinthes, de la littérature comme appréhension du monde, de la force de l'imagination, de la vie suivant l'écriture : vivre ce que l'on a écrit et construire la réalité après-coup
- Walter Benjamin Le livre des passages (+ Céline : passage Choiseul de l'adolescence de Mort à crédit)
- les poètes ou écrivains maudits : Lautréamont (un ami de VM l'appelle d'une ville près de Montevideo, ville de naissance de Lautréamont) mais surtout Rimbaud, Raymond Roussel (VM estime qu'il fut précuseur des OuLiPo, mais ans succès de son vivant)
- le situationnisme (VM n'y comprend rien : ne s'y réfère que par mimétisme) -> ou pataphysicien quand il entend ce terme une fois encore dans la bouche d'un écrivain ; Lacan (n'y comprend rien non plus)
- Nerval : le Diable Vauvert : VM le voit à la Closerie des Lilas, spectre lui parlant à lui seul, sorti des caves, des bouteilles bues
Lieux :
- autour de St-Germain et de Montparnasse, la Flore (Barthes
Techniques récurrentes :
- des phrases prononcées, des idées émises par des personnes rencontrées s'avèrent être des phrases tirées de passages de livre, des idées exprimées par d'autres avant : citations permanentes volontaires (le conseil de Duras citant Queneau à la fin du livre) ou involontaires, volées : Marais faisant sien un conseil de cocteu, une amie de VM citant Benjamin ; idem dans les anecdotes rapportées à propos de H
- la réalité devancée par l'imaginaire (des situations imaginées qui se déroulent en vrai)
Réf : l'argument de la conférence se trouve aussi dans de Quincey, De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts : un narrateur introduit dans les trois premières pages le gros du corps du livre : le texte d'une conférence trouvée par hasard (écrit pour être lu dans un club d'amateurs du crime)
mardi 4 août 2009
La Princesse de Clèves — Madame de Lafayette (1677)
Marie-Madeleine Pioche de la Vergne 1634-1693 : vécut sous la régence d'Anne d'Autriche (1643-1651) et le règne de Louis XIV (1638-1651-1715)
Mlle de Chartres épouse le Prince de Clèves sans amour et découvre la passion à la vue du duc de Nemours qui la courtisera avec assiduité jusqu'à la mort du Prince et la retraite de la Princesse qui préférera refuser l'union avec Nemours par respect pour son défunt mari (dont elle s'estime coupable de la mort, causée par la jalousie du Prince, quelque infondée qu'elle fût au regard de la vertu) et par peur de l'usure des sentiments (diminution de l'amour avec le temps + jalousie), et restera un modèle de vertu jusqu'à la fin de sa courte vie, choisissant le retraite, entre une maison religieuse et chez elle, "et dans les occupations plus saintes que celles des couvents les plus austères"
—> la princesse de Clèves aura épousé un homme qu'elle n'aimait pas et après la mort de son mari se sera refusé à un homme qu'elle aimait et qui l'aimait, préférant au monde une retraite et une austère vie de vertu
- la vie exemplaire de la princesse est à la fois une leçon de maîtrise de ses passions et de son corps mais aussi un effrayant modèle de prophylaxie du risque de la vie sociale : consciente des risques du mariage, la princesse préfère l'éloignement à la proximité de la tentation : aveu de faiblesse d'une certaine façon
- la narratrice indique que la distance et le temps ont fait que la passion de Nemours a fini par s'éteindre ; en plus des mises en garde de sa mère, des exemples vécus par elle ou d'autres, ce désamour conforte l'opinion et la décision de la Princesse
Eloignement :
- excuse de la faiblesse pour ne pas assister à des événements où elle sait que Nemours sera présent
- consignes aux domestiques : ne pas la déranger, ne pas même rendre compte des visites de Nemours
- retrait dans la maison de Coulommiers
- retraite dans la maison religieuse
-> "j'y vais, j'y vais pas"
-> "ma mère avait raison", "les mères ont toujours raison"
-> "la Princesse de Clèves est-elle morte vierge ?"
Modèles, exemples, contre-exemples :
En femmes :
- le modèle de vertu absolu : la mère de Mlle de Chartres
- le modèle de vice absolu : la duchesse de Valentinois
- le modèle de fausseté : Mme de Tournon (1 LPC croyait aux apparences de l'affliction de Mme de Tournon après le décès de son mari ; 2 LPC apprend en plus de Sancerre qu'elle s'était engagée auprès de deux hommes différents)
En hommes :
- le Vidame de Chartres : vie dissolue
- Nemours, à tort ou à raison, au su ou à l'insu de LPC, mais au su du lecteur : la rumeur que Nemours est le destinataire de la lettre tombée de la poche du Vidame fait naître une jalousie vive chez LPC / pour le lecteur, le mensonge de N lorsqu'il insinue à LPC que son mari a pu révéler lui-même la scène de la révélation dans le jardin, et les conséquences de ce mensonge, tendent à illustrer le bien-fondé des craintes de LPC
Le monde, ses règles, ses devoirs :
- mariage arrangé de la Reine d'Angleterre
- mariage arrangé du duc d'Albe (Mme de Lafayette ne défend pas uniquement la cause des femmes ?)
La lettre [une femme reproche à un homme de l'avoir trompée dans ses espoirs quand elle découvre qu'il est aimée d'une autre, envers laquelle il a pris la même sorte d'engagements] : attribuée par certains à Nemours, au Vidame de Chartres par d'autres : elle circule de mains en mains jusqu'à la Reine Dauphine qui la confie à la Princesse — celle-ci croit la rumeur qui dit qu'elle est tombée de la poche de Nemours — le Vidame demande à Clèves de s'en donner la paternité pour ne pas le compromettre auprès de la Reine qui est déjà jalouse et soupçonneuse — la lettre finit par être restituée à son véritable auteur, la duchesse de Martigues, amante du Vidame, alors que la Reine la réclame —> occasion pour la Princesse et Nemours de se retrouver ensemble pour rédiger un faux (retard dû au plaisir et à la distraction que leur proximité leur procure)
Le duc de Nemours
mort du Roi (Henri II) due à un excès de confiance : il fait le combat de trop, contre le duc de Montgomery dont un éclat de la lance se fiche dans un œil du Roi, qui mourra quelque temps après
mort du Prince de clèves due à l'émotion provoquée par la jalousie éprouvée à l'encontre de Nemours : informé par un de ses gentilhommes que Nemours s'est rendu deux fois de nuit au pavillon de Coulommiers où se trouvait la Princesse, Clèves croit qu'une liaison existe donc bien entre eux : il souffre de voir sa femme aimer un autre homme quand il voulait croire que l'absence d'amour de la Princesse à son égard était causée par son incapacité à éprouver de la passion par nature (souffrance de l'amant + souffrance du mari : Clèves peut aussi envisager une humiliation sociale)
————————————
Cadre historique situé dès les premières lignes de LPC : règne des Valois : Henri II (1519-1547-1559 de la mort de son père François I 1494-1515-1547 à sa mort lors d'un tournoi — son fils François II 1544-1559-1560 lui succède un an jusqu'à sa mort, qui ouvre la Régence de Catherine de Médicis, épouse de feu Henri II, qui prend fin avec l'accession de Charles IX 1550-1560-1574, fils de HII, fr de FII)
———————————————
Scènes clés
- soies : après la mort du PC, LPC se rend dans un magasin de soies près de chez elle, où elle apprend l'existence d'une chambre donnant sur ses jardins et sa maison, et qu'un homme l'occupe, qu'elle devine comme pouvant être N : confirmation un jour où LPC regarde par la fenêtre dans la direction de cette chambre (le narrateur nous apprend que N s'en aperçoit, et s'en réjouit car il avait espéré qu'elle le remarquât) —> cf La Chartreuse de Parme : Clélia dans ses appartements et Fabrice dans sa cellule : Fabrice regarde Clélia jouer avec ses oiseaux (souvenir d'une distance magique, suspendue)
- espionnage/voyeurisme : Nemours épie LPC deux nuits aux abords de la maison de Coulommiers, tente même de pénétrer dans la maison (l'ayant vu, LPC se retire dans ses appartements) / N épie encore LPC depuis le magasin de soie
- tableaux : N vole un petit portrait durant une séance de peinture / LPC se fait apporter à Coulommiers la copie d'un tableau représentant la bataille de Metz sur lequel figure N
- couleurs : durant le tournoi fatal, N combat vêtu de noir et de jaune, la couleur préférée de LPC qui le dit un jour, déplorant de ne pouvoir porter cette couleur du fait de sa blondeur / à Coulommiers, N aperçoit LPC nouer des rubans de tissu du même jaune sur une crosse
Féminisme ? de repli, de protection
Pas de "conversion" ou d'entrée dans les ordres pour LPC : cette solution ne lui paraît pas la meilleure —> retraite "civile" : juste équilibre ? du coup, relativiser le tragique ?
Aucun personnage d'ecclésiastique dans le livre (à part le cardinal de Lorraine)
Lien avec la préciosité, le classicisme, le jansénisme
EDIT 5/08/09, 6
vendredi 31 juillet 2009
Les Chants de Maldoror — Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont (1869)
6 chants ± 250 p
Poèmes en prose plus noirs que Baudelaire et Sade, du Burroughs avant l'heure, mélange de délires, de visions monstrueuses mêlant humains, animaux et créatures d'un bestiaire diabolique, et de cadres classiques à la littérature XIXème comme les nuits ou les paysages romantiques (falaises, mers déchaînées, rues désertes de Paris, landes fantômatiques, etc.)
Référence à Balzac et son Vautrin quand le narrateur fait de Maldoror un forçat habitant un hôtel particulier du centre de Paris, qui recueille un homme pour en faire le bras armé de ses crimes
Maldoror fait parfois penser à Grenouille, le monstre parfumeur assassin du Parfum de Suskind : physique (réf aux narines) et comportement meurtrier
Confusion constante entre le "je" du narrateur et le personnage de Maldoror ; discours directs et indirects enchâssés
Intrusions nombreuses du narrateur en discours adressés au lecteur, concernant sa technique d'écriture ; les attentes du lecteur, son impatience, son intérêt qui a fait suite à une première répulsion, à force d'efforts de lecture ; concernant la logique ou l'impossibilité des choses écrites ; beaucoup d'ironie ; apparence du délire dans des parenthèses interminables dont le narrateur a conscience et qu'il avoue en même temps qu'il se moque du lecteur
Maldoror : sorte d'archange, un ange jadis adoré et respecté de tous les séraphins, puis déchu si l'on en croit l'ange-tourteau envoyé par le Créateur (ch6), qui paraît impuissant à achever Maldoror, et dont on sent qu'il lui porte une affection particulière (au moins en ce qu'il ne cherche pas à anéantir Maldoror malgré sa toute-puissance : il se retire souvent vaincu et méprisé)
Physiquement : blondeur ; lèvres : de jaspe, lèvres quasi-inexistantes ; référence au crapaud pour se décrire ; par moments taille et forme humaines, à d'autres formes et dimensions monstrueuses (combat le monstre tigre à la queue de poisson sous la forme d'un aigle géant) ; force herculéenne ;
Le narrateur : réf à des origines de Montevideo
Thèmes récurrents :
- mathématiques (une strophe entière dédiée — pas lue en entier)
- sourire : le narrateur déclare refuser le rire (mais même Maldoror ne peut se retenir — "lèvres qui s'élargissent")
- squales : requins mâles et femelles (Maldoror s'accouple à une requin femelle quand il voit en elle une semblable dans la cruauté lors du naufrage d'un navire près des côtes, au cours duquel il abat d'une balle un naufragé nageant de toutes ses forces vers la falaise)
- pou (une strophe entière lui est consacrée)
- registre scatologique : mers d'excréments ensanglantés, vase de nuit (jusqu'à l'ustensile couronnant Aghone, le fou recueilli par Maldoror ch6), espaces insalubres ("toilette" de la prostituée par les coqs qui lui dévorent les lèvres rouges) / sperme et cyprine
- lèvres de Maldoror : mouvements, tensions, forme, finesse jusqu'à l'inexistence, couleur
- falaises, mer, promontoire : points d'observation d'où Maldoror scrute l'humanité
- pédérastie ; incertitude du sexe mais préférence pour les jeunes garçons (dans le lupanar, crime révélé par un cheveu...) même si Maldoror pratique aussi le meurtre de jeune fille (dans les champs, M viole la fille et ordonne à son bouledogue d'achever l'enfant ; le chien préfère la prendre lui aussi ; M le châtie en l'éborgnant, et tue la fille en l'éviscérant à l'aide d'un couteau à multiples lames)
- métamorphoses omniprésentes sans que leur cause soit toujours expliquée ; anthropomorphisme appliqué à des animaux ou métamorphoses d'hommes en animaux (le fils et le mari d'une femme, transformés en scarabée et en vache) / interpénétration des humains et des animaux : Maldoror (ou le narrateur, ou le Créateur ?) transformé dans son attente sans fin en une forme monstrueuse où des éduses ont pris la place des fesses, une vipère celle du sexe, des hérissons celle des testicules, etc.)
- registres de l'horreur empruntés aux sciences médicales (récurrence des anomalies du corps comme le "vice de conformation" des appareils génitaux ; maladies et leurs manifestations dermatologiques : lèpre noire (souvent citée), furoncles, autres maladies comme le ténia (bcp cité, ainsi que les anneaux) ; déformations dues à la fatigue : cernes, couleur de la peau) ; aux sciences naturelles : animaux curieux,
Si il y a une explication à la cruauté de Maldoror, elle semble être à trouver dans celle des humains et du Créateur :
- celle du Créateur qui permet la cruauté des hommes, qui inflige des douleurs atroces et des peines à ses créatures ; qui viole leur intimité et le secret de leurs pensées (le narrateur explique comment il lutte contre le sommeil et résister contre l'immixtion du Créateur dans ses pensées endormies) ; M rejette son emprise aussi du fait de l'hypocrisie du Créateur envers ses créatures
- celle des humains : cruauté des hommes envers les enfants (scène de l'enfant qui court derrière un bus parisien, remarqué des passagers qui ne font pas arrêter le bus, alors même que l'enfant tombe à terre) ; cruauté des hommes et des femmes (la mère et la fille qui pendent un jeune homme pour se venger de son refus de s'accoupler à elles, et fouettent avec des câbles lestés de billes de plomb sa peau préalablement goudronnée, pour que les coups pénètrent plus encore dans la chair)
vendredi 24 juillet 2009
Sur la route - Jack Kerouac (1957)
Se dévore, s'avale comme une langue d'asphalte à 150.
Sal(vatore) Paradise : ancien GI, orphelin, une tante à NY, un frère (qui passera à NY, sans plus), touche sa pension et tape sa tante en cas de besoin, écrivain débutant, en quête, de tout, du pourquoi et d'un père
Dean Moriarty : le sale gosse, un père clochard qui l'a formé à la conduite (nbrx exploits de vitesse et de conduite serrée) et à la fauche (gros passé de maisons de correction en prisons), adepte de la tise gros volume, incontrôlable, baiseur, trois fois marié, des enfants (Marylou-Camille pdt l'essentiel du bouquin ;
Le beat : pas seulement le rythme, aussi la voie vers la béatitude, un état atteint rarement, le jazz comme meilleur voie d'y parvenir (le bop surtout — scènes de transe de Sal et surtout de Dean devant les sax noirs quand ils chopent le it, transcriptions graphiques des cris des sax), mais aussi les coups, les gars foutus (signe d'une certaine proximité à...)
Magie de l'amour, magie de la braguette : ils repèrent une fille, ils lui parlent, et ils la pelotent, au moins. Rares questions existentielles sur le j'y-vais-j'y-vais-pas (quelques remords par trop d'égards : la jeune 15 prost colorée dans le bouge mexicain ; la jeune 16 fille de la ferme le soir de la sortie de route boueuse...). Même diminué par son pouce partiellement amputé et le pansement sur son infection, Dean continue de lever... Sal attiré par l'amour, le vrai, la fondation : débuts de couple avec la mexicaine (qui prend sur elle pour l'aider au coton alors qu'il est à la peine ; qui prend sur elle de le laisser partir quand elle comprend que son chemin est encore à tracer — amour et dignité de la femme humble habituée au malheur)
Cf. "Cement mixer, putti putti" (reprise par G-Swing en 2006 ?) ; plusieurs titres de mambo de Perez Prado.
cite Proust ; Les Mystères de Paris de Sue
cf W. C. Fields (acteur, homme de music hall US 1880s-1946, gros alcoolique, humour sarcastique, voix particulière)
Extraits :
- "Voilà ce que c'est de vivre dans la nuit, voilà ce que ça fait de vous. Je n'avais rien à offrir à personne que ma propre confusion." (p 178-179 ; Sal parle ; à propos de l'incapacité de Sal à offrir un mariage aux goûts de Lucille, impossibilité fin d'obtenir un divorce d'avec son docker de mari ; impossibilité de se fixer ; incapacité aussi de Lucille d'accepter la soif d'expériences de Sal)
- "On était tous aux anges, on savait tous qu'on laissait derrière nous le désordre et l'absurdité et qu'on remplissait notre noble et unique fonctiion dans l'espace et dans le temps, j'entends le mouvement." (p. 189 ; Sal parle ; après le passage à NY chez sa tante, nouveau départ de Sal pour la Californie, Dean couché sur le volant (""Hou !" gueula Dean. "En route !"")
- "Je compris soudain que Dean, en vertu de la suite innombrable de ses péchés, était en passe de devenir l'Idiot, l'Imbécile, le Saint de la bande (...) [Sal]
— Tu n'as absolument aucun égard pour personne sinon pour toi-même et pour tes sacrés plaisir de cinglé. Tu ne penses à rien d'autre qu'à ce qui pend entre tes jambes et au fric ou à l'amusement que tu peux tirer des gens et puis tu les envoies paître. Sans compter que dans tout ça tu te conduis stupidement. Il ne t'est jamais venu à l'esprit que la vie est chose sérieuse et qu'il y a des gens qui s'efforcent d'en user honnêtement au lieu de glander à longueur de temps. [Galatea]
Voilà ce que Dean était, le GLANDEUR MYSTIQUE. (p. 275 ; Dean en phase de démystification par ses anciens disciples)
(...) Il était BATTU, ce qui est source de Béatitude, FOUTU, ce qui est essence de Félicité." (p. 276 ; tj Sal à propos de Dean)
vendredi 10 juillet 2009
La Vie sur le Mississippi — Mark Twain (1883) — Tome II VF
Plus long à lire que le tome I : moins de souvenirs d'enfance, pas mal d'inserts d'extraits de journaux, style souvent retranscrit de prise de note sténo, peu de paragraphes vraiment rédigés avec les formules à la Twain (genre remarque conclusive, mi-moraliste, mi-ironique)
Retour de Twain sur le Mississippi 21 ans après son dernier service : changements
- des paysages (le fleuve a continué de modifier les berges, créer des îles, des raccourcis, etc.) ;
- des villes (disparition de certaines, souvent suite à des inondations ; création ou expansion d'autres ex. Saint Paul, Minneapolis — signes du développemment : population mais aussi industries, urbanisation, services (pompiers, police, enseignement, bibliothèque, journaux...) ; New Orleans "the Crescent City" comme modèle de développement surtout du fait de l'éclairage public plus impressionnant qu'à New York) ;
- des modes de transport : les vapeurs comme les radeaux sont devenus rares ; les usages, les cérémonies, les rapports humains s'en sont trouvés changés (le pilote devenu conférencier) ; les bateaux supplantés par le train (même pour les déplacements de pauvres ; bruit du train violent prp au bateau dans un paysage quasi-idyllique)
De mémoire :
- références à la guerre civile 1861-1865 : massacres et bombardements de Vicksburg
- histoire de l'assassinat de la femme d'un agriculteur par deux soldats, vengeance jusque dans un hôpital allemand
- histoires indiennes : Winona (et sa conclusion indéite)
- toujours les histoires plus ou moins vraies racontées par les pilotes ou les capitaines ; MT les aime plausibles et relève la moindre incohérence : démasque un ancien ; éprouve peu de respect pour les gens des bateaux qui se foutent des étrangers
- dès l'enfance : amour des histoires imaginaires, nourriture de ses rêves (le forgeron assassin des Lynch), héroïfication des personnages quelconques mais au fort pouvoir d'évocation (le sellier et son activité imaginaire)
Chapitre sur une vendetta entre des familles du sud, jusqu'à la mort du dernier survivant de l'une des deux familles. -> cf Huck Finn + nouveau chapitre sur les vendettas vers la fin
Bref : vague impression de bâclé (trad bof et nbrs coquilles) ; sentiment de condescendance/supériorité du MT comme témoin en retour direct (pas comme écrivain, sans le biais de la narration fictive — la forme étant bcp moins travaillée)
lundi 6 juillet 2009
Les Aventures de Huckleberry Finn Le Camarade de Tom Swayer — 1885
Le livre a été publié en 1885, l'action se déroule entre 1935 et 1845, avant l'abolition de l'esclavage.
Livre écrit à la première personne, signé de Huckleberry ("Bien sincèrement vôtre, Huckleberry Finn")
Livre écrit après Les Aventures de Tom Sawyer, auquel il fait référence dès le début.
Huck est le fils du poivrot du village. Il est élevé par deux femmes, la Veuve Douglas, qui l'a adopté, et Miss Watson qui lui apprend à lire, toutes deux veulent le "civiliser" ("s").
A la fin de Tom Sawyer, les deux héros avaient trouvé le trésor des bandits et la part de Huck s'élevait à 6 000 dollars — gérés par les soins du juge Thatcher, qui lui rapportent des intérêts et éveillent l'appétit de son père.
Son père l'enlève et le retient prisonnier dans une cabane, de laquelle Huck réussit à s'enfuir en faisant croire à sa mort en égorgeant un cochon sauvage avant de s'enfuir à bord d'un canoë.
Sur une île, il retrouve Jim, l'esclave de Miss Watson, qui a pris la fuite après avoir appris qu'il allait être vendu (800 $) (on le soupçonne même d'avoir tué Huck)
S'ensuivent diverses scènes truculentes souvent à dimension morale, mélange de roman d'aventure et d'une parabole à la Candide de Voltaire, où le héros apprend par l'expérience, et où son bon sens est confronté aux théories, opinions et pratiques des personnages rencontrés en chemin.
Bien qu'il ne cherche jamais à contredire ces compagnons de passage, Huck s'en remet plus généralement à son bon sens et à son expérience de la vie, qu'aux grandes paroles ou à l'esprit fantasque de Tom...
Tom : le rêveur à l'imaginaire débridé qui fait de toute action une occasion d'aventure romanesque — citation du Quichotte lors de l'attaque d'un troupeau présentée comme l'attaque d'un convoi de pierres précieuses (la bande de voleurs... fragiles motivations malgré les serments), des classiques d'aventures où les héros ne s'échappent qu'après de longues et dures années de captivité (Le Comte de Monte Cristo : Edmond Dantès au Château d'If ; Walter Scott, etc.) d'où les stratagèmes compliqués à l'extrême pour donner de la valeur à l'évasion de Jim...
Bonheur de la vie simple sur le radeau (pêcher à la ligne, fumer, dormir, nager, à poil...)
Découverte de l'humanité de Jim : Huck prend plaisir à rouler Jim en lui faisant croire à un rêve alors qu'ils ont réellement été séparés pendant un épisode de brouillard, au vu de la peine de Jim lorsqu'il comprend que Huck s'est joué de lui, Huck réalise la force de son amitié pour lui. Position de Huck par rapport à l'esclavagisme : ambiguë : foncièrement attaché à la liberté, ému par les témoignages d'affection, de remerciements de Jim pendant leur descentes du Mississippi — mais aussi attaché au respect des droits, comme le droit de propriété de la tante sur Jim (et donc culpabilisation au regard de l'appauvrissement de sa tante)
Renversement comique de situations attendues parce que classiques : Scènes où le père menace de coups Huck parce qu'il apprend à lire (ça se fait pas d'en savoir plus que ses parents)
Cf There will be blood : scènes de prêche enflammé avec les deux escrocs qui montent des arnaques à la conférence (sur la tempérance, not.), des spectacles médiocres, des abonnements, etc. Dans une église, l'un des deux bandits réussit à faire organiser une quête au profit de sa cause (conversion de sauvages) alors qu'il venait juste d'entrer dans la salle, en jouant la révélation avec force larmes et trémolos
Roman d'une éducation et d'un éveil à la conscience de l'autre
Allégorie de la naissance d'une Amérique libérée du joug et des influences anglo-européens, plus démocratique, plus en phase avec la nature et les droits humains : distance ironique par rapport à l'éducation et aux bonnes mœurs ou aux traditions européennes, prétendument aristocratiques [scènes de la vendetta entre deux familles de propriétaires, vengeance dont nul n e se souvient des origines et qui finit en bain de sang parce une fille et un fils de ces deux familles décident de se marier], à la religion [nombreuses scènes de prêches béats, naïfs, trompeurs], aux régimes monarchiques [les bandits qui se prétendent roi et duc, pour seulement obtenir des faveurs], mais aussi par rapport à l'idiotie et aux superstitions des noirs [peur des sorcières : nœuds avec des ficelles dans les cheveux... en même temps : Jim a rêvé qu'il serait riche, dans un sens il le devient à la fin du livre, dans son échelle de valeurs, en tout cas] dont les qualités humaines, de solidarité [chasse aux mocassins pour mettre en rapport Huck et Jim ; traitement de Jim dans la cabane de détention] sont un modèle pour Huck à l'opposé des blancs [not. violence dans les rapports entre eux, cruauté envers les esclaves]
Nombreuses scènes de la vie simple au bord et sur le fleuve, sur les îles, les berges, sous la pluie, sous le soleil, pêche toujours suffisante, cuisine frugale mais roborative (aucune trace de pollution, même, les villes ne sont encore qu'embryonnaires)
lundi 29 juin 2009
Lord Jim - Conrad (1899-1900)
Histoire de Jim, narrée par Marlow. Techniquement, plusieurs narrateurs, plusieurs voix, plusieurs sources, plusieurs documents.
Intro par un narrateur omniscient.
Début du récit de Marlow avec interventions du narrateur par moments.
Nombreux dialogues et discours indirects enchâssés dans le récit de Marlow.
Fin — la fin de Jim à partir de l'arrivée de Brown à Patusan — avec intervention du narrateur qui introduit une lettre de Marlow en introduisant une plus longue, dans laquelle Marlow retranscrit le récit de Brown agonisant.
Dans sa préface de 1917, Conrad reconnaît lui-même l'invraisemblance, l'impossibilité technique, d'un récit oral aussi long... il explique — avoue — que Lord Jim n'était au départ qu'une nouvelle ayant pour sujet les mésaventures du bateau de pèlerins.
Edit 2 juillet :
Jeux de lumières : nuit, jour, noir, ombres (des reliefs, des hommes (sur le canot de sauvetage)) et lumière ; lune, soleil, lever, coucher, aube, crépuscule, etc. la vie de Jim comme une immense zone d'ombre, parfois éclairée par l'espoir (la torche de son aimée) ; le blanc des habits (scène finale face à Brown où il apparaît vêtu d'un blanc immaculé
Originalité :
- on n'apprend ce qu'il est effectivement advenu aux pèlerins qu'après environ 120 pages
- on croit commencer un roman d'aventures avec un personnage-type : le jeune homme plein de rêves et d'idéaux, promis à l'héroïsme — on comprend petit à petit que le destin ne lui permettra pas d'être à la hauteur de ces, de ses, attentes (de celles du personnage, de celles du lecteur, pê aussi) —> alors qu'on s'est attaché à Jim sans bien comprendre la raison de l'attachement/affection de Marlow pour lui, les jugements extérieurs arrivent assez tard dans le récit, après les réactions d'incompréhension, de surprise, de colère de ses patrons successifs, c'est l'image d'un idiot inoffensif, maladroit et immature que ces commentaires font ressortir (Marlow est le premier à formuler aussi clairement son avis, lorsqu'il commence à s'exaspérer de son comportement infantile, fantasque, fuyant, et qu'il commence à craindre qu'il ne se transforme en un ivrogne vagabond et cogneur — ce qui lui aurait retiré toute dignité, et donc tout intérêt aux yeux de Marlow) —> terme synthétique : "romanesque" (employé à plusieurs reprises ; ? exprimé en premier par Stein, espèce de vieux sage philanthrope)
-
Questions :
- pourquoi Marlow s'attache-t-il tant à Jim ? Jim, le fils que Marlow n'a pas eu ? solidarité entre marins ? homosexualité ? fraternité élective ?
- pourquoi Jim laisse-t-il partir Brown "sans combattre" ? voit-il en Brown un alter ego, veut-il lui donner une chance de sortir digne d'une épreuve, ultime aboutissement d'une vie de rejet, de souffrance, d'injustice qu'il estime proche de la sienne ? ou bien est-ce de la faiblesse, de la naïveté, une forme d'idiotie béate —> Jim a aussi sous-estimé la détestation haineuse, la volonté de nuisance, de vengeance, l'"abjection" (dixit Marlow) de Cornelius, vrai responsable de la tuerie lâche commise par Brown lors de son échappée par le cours d'eau alternatif à la rivière (du personnage boiteux impotent, on passe à l'image d'un cloporte, écrasé par deux fois sous les coups de la lance de Tiam...)
- pourquoi accepte-il, demande-t-il la mort ? seule échappatoire possible, seul moyen de solder dignement les deux erreurs de sa vie, les ruptures de confiance
- passages sur les femmes : sentimentalité ; pouvoir de compréhension différent, dans d'autres circonstances que les hommes
- p254 : Marlow rend visite à Stein (l'homme qui a repris le fonds de com de l'Ecossais à Patusan, dans les célèbes) : passage sur l'ambition vs les moyens —> quelle issue ? p262 Marlow : "Oui, dis-je, à strictement parler, la question maintenant n'est pas comment guérir, mais comment vivre." Stein citant Shakespeare Hamlet p 263
Edit 7 juillet
Marlow est approché par un vieux loup de mer qui lui demande de convaincre Jim de prendre la tête d'un bateau vers des îles à guano (pas d'eau, du soleil, de la solitude) — aperçu économico-historique : l'Australie est en pleine demande d'engrais pour son agriculture : gros espoirs de fortune. Marlow refuse par rejet du briscard et de son financier, et du navire pourri, qui ne lui inspirent aucune confiance : il apprend plus tard que le briscard et le navire ont disparu en mer.
vendredi 5 juin 2009
La Vie sur le Mississippi — Mark Twain (1883)
Vol. I
Regard de l'enfant d'un petit village sur les gens du fleuve — dont les travailleurs des navires (du mécanicien au pilote), les bateaux (barges, chalands, radeaux et vapeurs à aube), les espaces...


(mardi 9 juin)
Regard de l'enfant d'un petit village sur les gens du fleuve — dont les travailleurs des navires (du mécanicien au pilote), les bateaux (barges, chalands, radeaux et vapeurs à aube), les espaces...
Restitution de l'humour de l'enfant, de la naïveté un peu consciente de son inculture...
"J'étais plutôt content d'être capable de lui répondre tout de suite, ce que je fis. Je lui dis que je ne savais pas." (p92)
Admiration pour le langage des gens des bateaux, leur grossièreté, inventivité, poésie, diction... (du Céline sans le pessimisme) : écriture orale, apostrophes, ellipses, étirement des syllabes,
Insertion de l'épisode de la montée d'un enfant sur un radeau (Huck Finn)
Episode final de l'explosion-incendie du vapeur Pennsylvania (découverte de l'horreur des blessures)
Orgueil de l'enfant (chap IV : L'ambition des enfants) : par rapport aux gens des berges, du village (fierté de peler, exhibition sur le pont pour être bien vu des riverains) ; par rapport aux autres apprentis (récit de la nuit où un bateau-sonde — sur lequel Twain aurait dû embarquer s'il n'avait été doublé par un autre apprenti qui l'a roulé — a été détruit par le vapeur qui l'a confondu avec la bouée ; rivalité pour l'amour d'une jeune passagère, victoire de l'apprenti sauvé grâce à sa réactivité)
"Dès la moitié du second jour, je connus une joie qui m'emplit de la plus pure des gratitudes : je venais de découvrir que la peau de mon visage et de mon cou commençait à se couvrir de cloques et à peler. J'aurais aimé que les garçons et les filles de mon village me vissent à cet instant." (p81)
Histoire du syndicat des pilotes : débuts ridicules (alors que trop d'apprentis avaient été certifiés pilotes sans réelle compétence), développement en plein boom de la demande de pilotes, évolution de l'association avec des contraintes de plus en plus grandes quant à l'adhésion (hausse du coût au fur et à mesure que les réfractaires historiques se voient contraints d'adhérer) et quant à la fourniture de services (hausse des salaires imposée du fait du monopole ; placement systématique de deux pilotes du syndicat) ; puis crise avec la concurrence du chemin de fer et des remorqueurs dont la capacité à pousser de nombreux chalands rendit obsolètes les vapeurs
Histoire de la formation-déformation des berges du Mississippi : phénomène naturel en fonction des pluies, mais aussi humain du fait d'interventions comme le creusement de canaux (pour valoriser une plantation : la faire se rapprocher du fleuve en inondant les parties séparant cette plantation du cours : le creusement d'un ruisseau suivi de l'érosion permet rapidement le passage du bateau)
Histoires fantastiques : le tonneau hanté par l'enfant de l'un des gars du radeau ; le somnambulisme du pilote qui a su diriger le vapeur en pleine nuit, en plein sommeil ; la légende du vapeur prisonnier d'un chenal d'où il ne put ressortir (rougeoiement des lampes et cris de l'équipage certaines nuits)
Portraits de pilotes : l'exemplaire M. Bixby, sympathiquement charrieur ("Ben, à tout prendre, tu me sembles réunir en toi plus de races d'ânes qu'aucune personne que j'aie jamais rencontrée." p 116) ; M. Brown, bavard spécialiste de la digression (chap. XIII ; et tyran du jeune apprenti Twain, puni par le sort : il périra lors de l'explosion du Pennsylvania, que Twain avait dû quitter parce que Brown ne voulait plus le voir sur le bateau, suite aux coups que Twain lui a assénés pour protéger un jeune apprenti et pour se venger de la violence verbale et psychologique qu'il lui faisait subir
("Mark Twain" p114 : "marque deux" : niveau de l'eau (deux brasses) crié par les sondeurs, niveau en-deçà duquel le passage du bateau devient dangereux : Twain, né Samuel Clemens, se définit donc lui-même comme "entre deux eaux" : entre risque et sécurité, entre noir et blanc...)

(mardi 9 juin)
jeudi 4 juin 2009
Casque d'Or - Jacques Becker (1951)
Georges Manda le charpentier (Reggiani) tombe amoureux de Marie la prostituée (Signoret) maquée à Roland le Beau. Provoqué par le maquereau, Georges le tue lors d'un duel orchestré par Félix Leca, le négociant en vin chef de bande, lui-même amoureux de Marie. Le deuxième duel se déroulera indirectement : Leca dénonce Raymond (Raymond Bussières — gueule avec une voix grave), l'ami de Georges, à un inspecteur de ses amis pour le meurtre de Roland. Face à l'injustice de l'arrestation de Raymond, Georges va se dénoncer au poste de police, et apprend par son ami que Leca les a trahis. Les deux amis sont alors amenés à la Santé mais ils parviennent à s'échapper du convoi grâce à la présence de Marie devant les portes de la prison. Dans leur fuite, Raymond est mortellement blessé tandis que Georges parvient à retrouver Leca, qu'il tue de plusieurs balles dans l'arrière-cour du commissariat. Il est guillotiné sous les yeux de Marie qui revoit alors en rêve la valse qu'elle dansa avec Georges au bal de Joinville.
Décors naturels (berges de la Marne, prairies, maison de Madame Eugène : un petit coin de campagne près de Paris)
Dialogues :
- Raymond dans le bal : "Et alors ? et la musique ? — [musique (un air connu, trompette-grosse caisse — expression joviale du patron qui ouvre les bras]
- le patron du bal : "On ne choisit pas toujours ses clients" — Raymond arrivant de derrière : "N'est-ce pas ?"
- la bande à Marie : "allez Marie ! danse ! — … — Aaaaaaahh !"
- de la "salope" (Roland à Leca parlant de Marie, notamment) ; du "connard" ; du "pauvre con" (Leca à Raymond qui lui demande d'épargner Georges) ; du "ta gueule" encore (des policiers à des membres de la bande)
- Marie à Leca : "ils se sont conduits élégamment, de vrais gentlemen ("an")" — Les voyous : "Ta gueule"
- Leca à Fredo qu'il corrige par des claques parce que Fredo l'a volé, celui-ci levant le bras pour se protéger : "Tu permets !"
Honneur et droiture de Georges, réglo avec son patron et avec Marie. L'assassinat de Leca est une triple vengeance :
- sa propre vengeance suite à la dénonciation de Leca — en ce que Leca a dénoncé Raymond pour faire tomber Georges et récupérer Marie,
- vengeance de la mort de Raymond (qui n'aurait pas été tué si Leca ne l'avait pas mêlé à l'affaire, et manipulé (Leca a insisté pour que Raymond conserve montre et couteau de Roland, autant de pièces à conviction pour l'instruction suite à la trahison))
- vengeance pour l'honneur forcé de Marie (Georges comprend que Leca a couché avec elle lorsqu'il trouve ses mules au pied du lit de Leca)
Exotisme voyeur des bourgeois en goguette au bal où se réunissent les Apaches, lâcheté lorsque Roland force la bourgeoise à danser, frayeur lorsque le meurtre de Roland est révélé
Police et truands tiennent à peu près le même langage.
Symétrie des duels Georges-Roland et Georges-Leca : dans une arrière-cour (du bal ; du commissariat)
Jeu :
- valse à l'Apache de Roland (yeux baissés vers le sol, dos raide, bras perpendiculaire) et Marie (bras autour du cou ou sur l'épaule, yeux sur Georges pendant toute la ronde) / de Marie et Georges (Georges commence les yeux baissés, mi-gênés, mi-provoqués, et finit souriant) / Roland-la bourgeoise (bras très haut, corps serrés : minimum de distance)
- regards de Raymond : quand il dit à Georges, avec les yeux, qu'il ferait mieux d'accepter l'invitation de Roland ; quand Roland est à terre, regarde la bande en souriant et montrant Roland du doigt, tout e souriant)
- scènes de bande : le "Aaaaaahhhh !" lorsque Marie accepte de danser ; le silence quand Georges est provoqué par Roland
Scène à caricaturer : Gorges allongé sur la berge, Marie qui le surprend et tente de le réveiller en le chatouillant à l'aide d'une brindille qu'elle passe sur ses oreilles (durée du jeu -> à croire qu'il dort comme une souche et qu'elle pourrait lui mettre le doigt dans le nez qu'il ne bougerait pas — poésie un peu cucul du visage de Marie dans le soleil quand il ouvre les yeux)
mercredi 3 juin 2009
Les Contes d'Hoffmann — Michael Powell, Emeric Pressburger (1951)
Musique : "Douce nuit, nuit d'ivresse..." chantée d'abord par la courtisane (ress. Amandine) puis thème repris dans une chorégraphie finale avant le tomber de rideau et le retour dans la brasserie où Hoffman ivre s'est endormi; laissant passer Stella, la danseuse, qui part avec l'ennemi juré du poète sous un énième avatar (Lindorf-Coppelius-Dappertutto-Dr Miracle)
Chorégraphie initiale des amours de la libellule (Dragonfly) : final dans les airs vers le disque lumineux de la lune suivant un chemin en trois pentes / mouvements des bras rappelant des battements d'ailes -> scène du Songe d'une nuit d'été (William Dieterle, Max Reinhardt, 1935, av. James Cagney-Bottom, the Weaver) où une protagoniste tourne le dos au spectateur et disparaît progressivement dans le noir (sous une poursuite ?) : gestuelle très proche
Visages, yeux d'Olympia : mouvement de tête furtif, inclinaison de la nuque comme une minauderie à l'arrêt dans un gros-plan en transition entre deux déplacements
Yeux et bouche de Giulietta dans les bras Dappertutto au début de la partie vénitienne
L'homme esclave de sa passion ? de ses amours irraisonnés ? des femmes qui se jouent de lui ?
Ou victime seconde, quand la remière est la femme, manipulée qu'elle est toujours par un homme caché (son créateur ; son souteneur-manipulateur ; son maître-exploiteur ; le père ou l'homme accompli par opposition à Hoffmann, le poète fragile parce que soumis à ses émotions)
vendredi 22 mai 2009
Pas de pardon - Döblin 1935
Histoire de Karl en trois actes : La pauvreté, La prospérité, La crise ; bref, le paradigme du capitalisme : à la croissance succède la crise.
(edit) finalement (comme pour Franz) : lutte de Karl contre "son" destin : concours entre le destin d'industriel affairiste que sa mère, sa femme, les membres des coteries lui assignent (destin externe), et l'aspiration à la liberté, à la cause du peuple qui fut sa première sensibilité, ses premières émotions (Paul) (destin interne — la liberté, la sincérité se paie au prix de la mort)
Le père de Karl, entrepreneur raté qui a dilapidé la dot de sa femme dans des projets inconsidérés (genre un grand hôtel en pleine campagne), meurt prématurément laissant sa femme avec Karl, son frère Erich et sa sœur Marie.
La mère est accueillie et hébergée en ville par son frère, fabricant de meubles âpre au gain, bercée d'illusions déçues et prise à la gorge par les créanciers, elle tente de suicider, acte fondateur de la nouvelle vie de la petite famille : Karl va devoir prendre la place du père, le frère va être fragilisé et servira de tampon, la sœur disparaîtra vite, mais surtout, la mère décidera que le fils ne lui fera jamais ce que le père lui a fait : elle va s'assurer de sa soumission à son souhait d'une vie rangée et profitable, brisant en Karl ses velléités (vagues) de révolutionnaire puis d'artisan avec des projets (la mère est devenue allergique à tout projet qui pourrait à nouveau faire basculer la famille dans le besoin).
Jeunesse de Karl : traîne dans la ville (seul d'abord puis avec sa mère) ; rencontre Paul, le jeune blond déjà homme, anarchiste engagé (évasion des terroristes, discours anti-capitalistes : la première occurrence de "Pas de pardon" est dans un passage d'un monologue dans lequel il explique à Karl que les patrons ont leur loi, les pauvres, la leur, que le combat doit être sans pitié) ; à gagner sa vie en aidant une marchande de fruits...
Toujours technique du dénouement fatal, avec des annonces prémonitoires
(edit) finalement (comme pour Franz) : lutte de Karl contre "son" destin : concours entre le destin d'industriel affairiste que sa mère, sa femme, les membres des coteries lui assignent (destin externe), et l'aspiration à la liberté, à la cause du peuple qui fut sa première sensibilité, ses premières émotions (Paul) (destin interne — la liberté, la sincérité se paie au prix de la mort)
Le père de Karl, entrepreneur raté qui a dilapidé la dot de sa femme dans des projets inconsidérés (genre un grand hôtel en pleine campagne), meurt prématurément laissant sa femme avec Karl, son frère Erich et sa sœur Marie.
La mère est accueillie et hébergée en ville par son frère, fabricant de meubles âpre au gain, bercée d'illusions déçues et prise à la gorge par les créanciers, elle tente de suicider, acte fondateur de la nouvelle vie de la petite famille : Karl va devoir prendre la place du père, le frère va être fragilisé et servira de tampon, la sœur disparaîtra vite, mais surtout, la mère décidera que le fils ne lui fera jamais ce que le père lui a fait : elle va s'assurer de sa soumission à son souhait d'une vie rangée et profitable, brisant en Karl ses velléités (vagues) de révolutionnaire puis d'artisan avec des projets (la mère est devenue allergique à tout projet qui pourrait à nouveau faire basculer la famille dans le besoin).
Jeunesse de Karl : traîne dans la ville (seul d'abord puis avec sa mère) ; rencontre Paul, le jeune blond déjà homme, anarchiste engagé (évasion des terroristes, discours anti-capitalistes : la première occurrence de "Pas de pardon" est dans un passage d'un monologue dans lequel il explique à Karl que les patrons ont leur loi, les pauvres, la leur, que le combat doit être sans pitié) ; à gagner sa vie en aidant une marchande de fruits...
Relation Karl-Paul : attirance homosexuelle très claire (cf, Musil, Les Désarrois de l'élève Törless : une image de la jeunesse virile austro-allemande ? travestissement de Paul, séduction, mais aussi force et violence)
La femme de Karl, Julie, qu'il a un peu traitée comme un meuble bien rangé, proprement mais sans passion, se décide à tenter l'aventure adultère avec un Mexicain, José -> dans Berlin A., Mimi trompe Franz avec un jeune soudeur d'abord (la drague, les mots, la beauté) puis avec Pums, la force virile et incontrôlée (contre la faiblesse difforme mais aimante de Franz — ne pas négliger les hésitations de Mimi qui veut (nous faire) croire que c'est aussi pour aider Franz qu'elle cherche à faire parler Pums) / dans La Maison et le Monde de Tagore : Nikhil traite Bimala avec un amour très respectueux mais un peu chosifiant, même cause, même effet
Passages sur l'acte sexuel, les ablutions préalables (cf extraits ci-dessous)
Passages sur la crise : très finement analysée dans son implacable déroulement, son insidieux cheminement dans la familiarité
- "Jusqu'ici, on avait fait preuve de calme et de patience, mais sous prétexte qu'on ne remboursait pas, l'étranger refusait de nouveaux prêts, c'était un comble ! C'était une vengeance ourdie par ceux à qui on avait affirmé que les choses ne pouvaient continuer ainsi. On apprit qu'à l'étranger, ils reprochaient aux pays débiteurs d'avoir investi l'argent prêté dans des banques, de puissantes fabriques, des hôpitaux et des quartiers neufs. Oui, et pourquoi sinon le leur aurait-on emprunté ? N'avaient-ils pas plutôt, tout bonnement, imposé aux autres leur argent de Mammon pour toucher des intérêts substantiels, exploiter la sueur et le travail des autres ? Subtile méthode ! Et ensuite, ils vous reprochaient d'avoir travaillé ! On avait affaire à un adversaire peu délicat (cf. Shylock*). Toujours est-il qu'il ne prêtait plus." (p190 -> Stiglitz, Un autre monde, p297s, surendettement vs surfinancement)) [*Le personnage du Marchand de Venise de Shakespeare qui exige "une livre de chair" à Antonio]
Dommage : le style a comme disparu — subsistent les techniques de tutoiement, de prédictions de la fatalité, des parenthèses, des remarques de la part du narrateur, mais plus de langage vif, plus de syntaxe brutale, plus de collages, du linéaire tiède assez rebutant au départ
Plus de mythologie biblique (correction : moins de Bible mais toujours des réf à Eve, à Caïn, à Babylone), à la place : le Panthéon (la demeure des rois — en bas, la populace, les soumis) ; le tableau d'un roi sur son cheval, son ennemi se rendant à ses pieds ; l'armure dans son "musée" personnel (le chevalier de fer-blanc)
Toujours la ville organique, corps difforme à la croissance trop rapide, engraissée dangereusement ; géographie des classes (Karl veut rester dans le quartier de banlieue où ila emménagé à son arrivée avec sa mère, et malgré le succès, contre la volonté de Julie, y restera toujours : position géographique déplacée par rapport à la classe / positionnement politique, psychologique pas coordonné, manque d'harmonie traduit le tiraillement intérieur) ; ville arbre
Lieu : une grande ville, avec ses quartiers riches, ses quartiers commerçants, ses quartiers pauvres/industriels, ses banlieues, un nord, un sud, sa forêt, pas souvenir d'avoir lu "Berlin"
Temporalité : avant et pendant une crise, avant une guerre (annonce prémonitoire à la fin : les champs ne produiront plus de blé mais porteront des croix : forcément avant la guerre de 14-18)
Les discours-programmes :
- Paul : le communisme révolutionnaire, l'activisme
"Eh bien Karl, il faut que tu comprennes pourquoi ils construisent des asiles de nuit. Ils veulent déblayer les rues de leurs ordures et les ordures reconnaissent gentiment : c'est vrai que nous ne sommes pas belle et elles s'écoulent dans les caniveaux prévus." (Paul jeune à Karl p65)
"Regarde, ils trônent sur la montagne pendant que nous sommes dans le marécage. Après quoi, il suffira de déblayer, nous serons fichus. Car, tu as vu, ils ne nous font rien, ils nous laissent vivre. (...) Mais de temps en temps, ils descendent avec des torches et quand notre monde les rebute ou les irrite trop ils mettent le feu. Il leur faut s'y résoudre quand les asiles de nuit ne suffisent plus et que les immondices ne s'arrêtent plus aux bords des trottoirs mais envahissent les rues." (Paul et Karl regarde les palais, les demeures seigneuriales et les hauts monuments p66)
- les partis / les syndicats : pour le dialogue, la réforme : dépassés par les activistes (soupçon de la manipulation de ces groupes par le gouvernement, pour discréditer la cause / les partis, eux, se tiennent pour ne pas faire le jeu du gouvernement)
Karl, alors tout juste embauché comme employé dans l'usine de meubles de l'oncle, se rend dans la maison du syndicat, reprise en discours indirect du président du syndicat : "Pour l'ouvrier, pour les opprimés de cette terre un seul mot : organisation."
- les industriels :
- les aristocrates : la famille régnante en retrait
- le gouvernement : frappe dur ;
- les militaires
// Franz Biberkopf :
- le personnage cherche à suivre un chemin qu'il a décidé de s'imposer contre ce qu'il ressent comme ce qui lui est destiné : la criminalité pour Franz, la réussite par l'argent pour Karl
- à sa sortie de prison, Franz veut prendre une position honnête mais il est piégé par Pums, puis envoûté par la force de ce truand manipulateur auquel il ne sait comment s'opposer, résister, diminué par son handicap, Franz retombe dans l'ornière de son destin ; manque de mourir physiquement, puis renaît sous une autre forme : un Franz assagi, redressé et humble, soumis à la loi sociale, qui accepte une petite position de gardien // Karl veut d'abord s'émanciper du joug de sa mère sous l'effet de la séduction de Paul, le révolutionnaire trouble (mystère de ses activités et de sa sexualité — beauté et travestissement) ; sa mère le force à quitter très vite ce chemin de biais, par un chantage affectif (la menace d'une nouvelle tentative de suicide ; la fragilité, la fatigue (Doblin décrit le rapport de la mère au sommeil, simplicité du refuge dans la difficulté) ; l'amour maternel et les devoirs du grand frère "soutien de famille") ; elle le place chez l'oncle et l'oblige moralement envers lui ; Karl y trouve son compte tant qu'il est ouvrier, proche des travailleurs, accepte avec réticence la promotion offerte/imposée par l'oncle puis joue le jeu de la progression fulgurante et de la réussite sociale, avec les à-côtés que sont le beau mariage, la représentation, le pouvoir, les compromis, jusqu'à la compromission et l'illicite ; dans la crise et face au vrai visage de l'aristocratie, des militaires, des puissants, Karl se retrouve à devoir affronter ses anciens démons ; le retour de Paul coïncide avec ses nouvelles interrogations sur sa place, son engagement, son choix dans la lutte des classes : il décide finalement de laisser parler sa première sensibilité, de faire revivre ses premières convictions, d'exprimer à nouveau sa fidélité à Paul (qui explique à un Karl perdu, éperdu d'amour et d'un besoin de rédemption, incapable de bien saisir ce qui s'est passé et ce qui se passe, suppliant, qu'il a trahi la cause et que malgré les gestes de courage et de dévouement effectués dans sa jeunesse, toute la vie de Karl a été un renoncement à ces idéaux, une violation de son premier pacte, et que Karl est donc, aux yeux de Paul, le seul responsable de cet éloignement entre eux deux, là où Karl essaie de faire comprendre combien il a été victime de sa vie, de sa femme, de sa mère, de sa famille) : dans un élan irraisonné d'abandon des puissants vers les partisans des quartiers nord, Karl se jette vers sa fin mais aussi vers son retour à lui-même, à sa vérité -> cette fois, mort physique mais survie mythologique : le camp des riches en fait un héros de leur cause par des articles élogieux
(Ici cf Borges, Thème du traître et du héros, in Fictions : les militants irlandais veulent tuer un traître mais par crainte de discréditer leur lutte, mettent en scène et en histoire, le récit de cette mort, recours aux éloges posthumes)
// Tagore, La Maison et le Monde, 1915 :
- une épouse respectée, choyée, certainement aimée, mais sans passion, ou sans la passion que la femme attend, dont elle a besoin, une passion des sens et du corps
- recours au tiers : le révolutionnaire passionné et fougueux dans La Maison..., à l'étranger séducteur non impliqué mais humain et aimant dans Pas de pardon (José, attaché d'ambassade mexicain)
- rapport à l'étranger, au monde extérieur (au pays, pas seulement au foyer) : dans La Maison : rejet de la présence étrangère, des produits fabriqués à l'étranger (laine, parfums, costumes, savons) au profit des productions locales (le Swadeshi et son irréalisme économique : Nibil démontre l'impossibilité, dans l'immédiat, de vendre des produits fabriqués au Bengale à une population nationale essentiellement pauvre, du fait du coût de production dans un pays peu développé au regard des coûts de revient et des prix de vente conséquemment moindres des biens importés de pays industriels) / dans Pas de pardon : tentation de la délocalisation des moyens de production, démontage des usines et implantation des machines à l'étranger où les coûts de production sont moindres (et action sous l'impulsion du major, et sous la pression du groupe : tous le font ou voudraient le faire mais nul ne l'avoue par peur de la publicité, des accusations d'anti-patriotisme...)
Humour, not. dans les scènes conjugales :
- le rapport de Karl au sexe et à l'hygiène
- à propos de la mère de Karl qui reprend vie dans la société du pasteur : "Quand les morts se réveillent, il en résulte des tragédies mais parfois aussi des comédies burlesques." (p140)
- "Elle se sentait bien auprès d'Erich. (...) Elle comptait beaucoup sur le charme évident qu'exerçait auprès des hommes sa bêtise au-dessous de la moyenne." (p179)
- "Il se tordait les mains : que voulait-elle donc en désirant un enfant, un enfant à tout prix ? Pourquoi pas un chien ou un chat angora ? Il y avait déjà tant d'enfants sur cette terre, pourquoi voulait-elle encore en augmenter le nombre ? (...) Il lui demanda prudemment s'il était nécessaire que l'enfant soit de lui." ; "Il y eut tempête sur tempête. Il n'osait même pas faire allusion à la nécessité de divorcer sous peu. Il se trouvait prisonnier d'une situation qu'il jugeait contre nature. Alors qu'elle trouvait que la situation était redevenue normale." (scène entre Julie et Karl p181)
Edit 9 juin



Edit 9 juin
lundi 18 mai 2009
Les Souffrances du jeune Werther - Max Ophüls 1938
D'après Goethe
L'amour impossible du jeune juge référendaire Werther pour la jeune Charlotte, promise à son supérieur.
- La tante qui crie "Charlotte" à tout bout de champ pendant la fête du village
- La vision de Werther par la longue-vue quand le petit frère reconnaît l'homme qui lui a donné son chapeau dans la diligence : effet visuel d'un disque d'image sur fond extérieur noir
- La diligence : ressemble beaucoup à celle dans laquelle Lola se déplace — mais en NB alors que celle de Lola est rouge/rose
- Des escaliers : surtout la scène finale où albert, le mari, demande à charlotte de chercher les pistolets de w, puis monte les chercher lui-même, scène des prières de Charlotte suspendue comme accrochée à la rambarde (scène des escaliers dans Liebelei : Christine quitte l'appartement de Fritz où son père et ses amis l'ont rejointe ; elle descend comme étourdie, s'arrête à hauteur de la fenêtre et saute ; vues en contre-plongée + escalier central dans la maison du baron, scènes d'espace, de cache--cache quand Fritz cherche à partir sans être vu du baron ; lieu de jeu; passage du frère du baron... / scènes des marches dans La Ronde : les marches vers le quai, voûte sous laquelle Léocadie embrasse Franz) / dans Sans lendemain : escalier dans l'immeuble de Evelyne, marches de la rue au cabaret, du cabaret à la cour...
- des portes-fenêtres : séparation-transition du cabinet du juge référendaire au bureau des assesseurs ; dans La Ronde : Marie (Simone simon)-Alfred (Gélin) jeu du va-et-vient pour obtenir le corsage de Marie ; dans Liebelei : après le vestibule, entre la porte d'entrée et l'appartement de Fritz ;
- scènes de grand air : paysages bucoliques et tragiques (suicide de Werther sous l'arbre aux promesses)
- amour familial : Charlotte et son petit frère qu'elle sert malgré son retard (beauté de l'amour féminin pour son prochain : frère dans Werther, fils dans Sans lendemain) ; tendresse, câlins et baisers
- théâtralité : le frère interprète les poèmes de Werther dans la chambre des enfants ; les prostituées ridiculisent le même texte lorsque Werther est au cabaret pour oublier Charlotte
- Sur la morale : l'honneur, les conventions, le règlement (les retards de Werther et sa fleur ; les lectures révolutionnaires cachées (Le Contrat social de Rousseau)) / l'amour, la passion (débat sur les "limites" de la passion entre Werther et albert lors de l'arrestation d'un assassin coupable d'un crime passionnel), la vérité et le mensonge (le mensonge originel : Charlotte omet de dire à Werther qu'elle est déjà promise à Albert — poids de l'autorité sur la femme : elle ne peut revenir sur un engagement pris en partie pour elle, ses préférences ne peuvent prévaloir ; refus d'explication de werther face aux questions d'Albert sur ses déviances nocturnes ; franchise de Charlotte à propos de la lettre de werther, sur les conseils du prêtre qui cite la Bible pour l'inciter à dire la vérité à son mari) / figure des anciens : le président du tribunal comprend werther mais révèle maladroitement la vérité sur ses sentiments à albert auquel Werther refusait de s'expliquer (dans Liebelei : le père comprend et autorise la liberté des sentiments de christine, son expérience avec sa propre sœur l'ayant instruit sur les dangers d'étouffer la passion)
- la mélodie des carillons : remplacement de la mélodie traditionnelle inspirée par la présence suédoise au XIIIme siècle (?) par une composition d'un auteur de la ville - patriotisme/xénophobie curieux quand dans ses lectures, Werther place tous ses espoirs dans les idées de la révolution française / scènes de torture pour Charlotte dès que le carillon se met à retentir, lui rappelant sans cesse son amour pour Werther et les souffrances de celui-ci
L'amour impossible du jeune juge référendaire Werther pour la jeune Charlotte, promise à son supérieur.
- La tante qui crie "Charlotte" à tout bout de champ pendant la fête du village
- La vision de Werther par la longue-vue quand le petit frère reconnaît l'homme qui lui a donné son chapeau dans la diligence : effet visuel d'un disque d'image sur fond extérieur noir
- La diligence : ressemble beaucoup à celle dans laquelle Lola se déplace — mais en NB alors que celle de Lola est rouge/rose
- Des escaliers : surtout la scène finale où albert, le mari, demande à charlotte de chercher les pistolets de w, puis monte les chercher lui-même, scène des prières de Charlotte suspendue comme accrochée à la rambarde (scène des escaliers dans Liebelei : Christine quitte l'appartement de Fritz où son père et ses amis l'ont rejointe ; elle descend comme étourdie, s'arrête à hauteur de la fenêtre et saute ; vues en contre-plongée + escalier central dans la maison du baron, scènes d'espace, de cache--cache quand Fritz cherche à partir sans être vu du baron ; lieu de jeu; passage du frère du baron... / scènes des marches dans La Ronde : les marches vers le quai, voûte sous laquelle Léocadie embrasse Franz) / dans Sans lendemain : escalier dans l'immeuble de Evelyne, marches de la rue au cabaret, du cabaret à la cour...
- des portes-fenêtres : séparation-transition du cabinet du juge référendaire au bureau des assesseurs ; dans La Ronde : Marie (Simone simon)-Alfred (Gélin) jeu du va-et-vient pour obtenir le corsage de Marie ; dans Liebelei : après le vestibule, entre la porte d'entrée et l'appartement de Fritz ;
- scènes de grand air : paysages bucoliques et tragiques (suicide de Werther sous l'arbre aux promesses)
- amour familial : Charlotte et son petit frère qu'elle sert malgré son retard (beauté de l'amour féminin pour son prochain : frère dans Werther, fils dans Sans lendemain) ; tendresse, câlins et baisers
- théâtralité : le frère interprète les poèmes de Werther dans la chambre des enfants ; les prostituées ridiculisent le même texte lorsque Werther est au cabaret pour oublier Charlotte
- Sur la morale : l'honneur, les conventions, le règlement (les retards de Werther et sa fleur ; les lectures révolutionnaires cachées (Le Contrat social de Rousseau)) / l'amour, la passion (débat sur les "limites" de la passion entre Werther et albert lors de l'arrestation d'un assassin coupable d'un crime passionnel), la vérité et le mensonge (le mensonge originel : Charlotte omet de dire à Werther qu'elle est déjà promise à Albert — poids de l'autorité sur la femme : elle ne peut revenir sur un engagement pris en partie pour elle, ses préférences ne peuvent prévaloir ; refus d'explication de werther face aux questions d'Albert sur ses déviances nocturnes ; franchise de Charlotte à propos de la lettre de werther, sur les conseils du prêtre qui cite la Bible pour l'inciter à dire la vérité à son mari) / figure des anciens : le président du tribunal comprend werther mais révèle maladroitement la vérité sur ses sentiments à albert auquel Werther refusait de s'expliquer (dans Liebelei : le père comprend et autorise la liberté des sentiments de christine, son expérience avec sa propre sœur l'ayant instruit sur les dangers d'étouffer la passion)
- la mélodie des carillons : remplacement de la mélodie traditionnelle inspirée par la présence suédoise au XIIIme siècle (?) par une composition d'un auteur de la ville - patriotisme/xénophobie curieux quand dans ses lectures, Werther place tous ses espoirs dans les idées de la révolution française / scènes de torture pour Charlotte dès que le carillon se met à retentir, lui rappelant sans cesse son amour pour Werther et les souffrances de celui-ci
dimanche 17 mai 2009
Sans lendemain - Max Ophüls 1939
Dernières heures de la vie d'Evelyne, danseuse-entraîneuse au cabaret La Sirène, (rôle : l'Hiver dans une revue appelée Les Quatre saisons)
Un matin, en rentrant du cabaret, elle apprend par une lettre que son fils s'est fait renvoyer de son pensionnat ; dans une soirée de retrouvailles et d'amour maternel, l'enfant lui révèle qu'il a fait exprès d'être renvoyé pour se retrouver avec sa mère
Le lendemain, Evelyne est accostée par un homme de son passé, et l'histoire d'Evelyne est révélée : Evelyne, alors appelée "Babs", a rencontré cet homme à Montréal, tous deux sont tombés amoureux, Evelyne a dû partir précipitamment, quittant l'homme sans lui faire ses adieux et sans plus jamais lui donner de nouvelles ; de retour à Paris, Evelyne s'est mariée à un truand qu'on a "suicidé", la laissant sans rien d'autre qu'un jeune enfant (scène entre Evelyne et le patron truand)
Lorsqu'elle rencontre son amour du passé, Evelyne n'assume pas ce qu'elle est devenue et fait croire à l'homme qui la ramène en voiture qu'elle vit dans un appartement cossu (avenue d'Iéna). L'homme se fait inviter chez elle pour le soir suivant
Evelyne, piégée par son mensonge, refusant de révéler la vérité à cet homme, va tout faire pour pouvoir louer cet appartement pour le lendemain : n'écoutant pas la mise en garde de son ami (le chanteur, amoureux), Evelyne va recourir à la seule solution disponible en un si court délai : vendre son âme au patron qui, en retour de la mise à disposition de l'appartement et de plusieurs effets, exige d'elle qu'elle l'assiste à voler l'homme et son ami, puis à faire d'autres coups ensemble.
Convaincue de l'absolue nécessité de ne pas révéler la vérité à l'homme qu'elle aime, Evelyne accepte le marché à contrecœur, la fatalité est en marche, le bonheur condamné...
La soirée se déroule bien mais alors que Babs et son homme s'absentent, l'enfant révèle innocemment à l'ami que lui et sa mère habitent habituellement dans un autre appartement : l'ami découvre la vérité
(… dodo)
Evelyne et son homme décident de remettre l'enfant aux soins de celui-ci qui repart au Canada
Désespérée, Evelyne retrouve son ami du cabaret dans une nuit glaciale ; celui-ci l'amène au bistro ; devant la peine d'Evelyne, il tente de joindre l'enfant sur le paquebot mais pendant qu'il téléphone, Evelyne quitte le bistro pour se jeter dans la Seine (c'est ce qu'on devine à la vue de l'ami qui appelle Evelyne le long du quai, sans que ses cris ne trouvent de réponse).
Thèmes :
- monde du spectacle (cabaret, coulisses, artistes, allégories : Hiver)
- la femme seule face à son destin (force, courage, bonté, résistance, fierté — injustice : Evelyne a commis l'erreur de se marier avec un malfrat, qui a été assassiné ; elle a dû se débrouiller pour survivre avec son enfant alors que son nom de mariage l'empêchait de prendre une position "honnête" ; elle n'accepte le marché que pour obtenir les moyens de ne pas décevoir l'homme qu'elle aime)
- idéalisme : sacrifice d'une vie aux principes de l'honneur, de l'absolu (l'amour pur sans tache ; la vie réelle comme souillure)
- la vérité et le mensonge, valeur de ces notions, risques de la dissimulation
- la fatalité, le bonheur éphémère
- le spectacle qui continue : alors que Evelyne et Henri s'en grillent une, le proprio les rappellent au travail ; lorsqu'Evelyne cherche à déchirer les photos d'elle dans le cadre accroché au mur de la rue, le proprio appelle au calme et tape dans ses mains pour relancer l'ambiance, se convaincre et convaincre les clients que la fête continue ("Quelle époque !")
Evelyne à un micheton éperdu : "Je ne suis personne, c'est même effrayant comme je suis personne"
Mélo noir, moins brillant, moins magique, fatalement sombre
Traces de Lola dans l'histoire, et la technique (rideaux, voilages, un voile se déplace comme si accroché à la caméra dans les scènes de coulisses, en suivant Henri, l'ami d'Evelyne)
Un matin, en rentrant du cabaret, elle apprend par une lettre que son fils s'est fait renvoyer de son pensionnat ; dans une soirée de retrouvailles et d'amour maternel, l'enfant lui révèle qu'il a fait exprès d'être renvoyé pour se retrouver avec sa mère
Le lendemain, Evelyne est accostée par un homme de son passé, et l'histoire d'Evelyne est révélée : Evelyne, alors appelée "Babs", a rencontré cet homme à Montréal, tous deux sont tombés amoureux, Evelyne a dû partir précipitamment, quittant l'homme sans lui faire ses adieux et sans plus jamais lui donner de nouvelles ; de retour à Paris, Evelyne s'est mariée à un truand qu'on a "suicidé", la laissant sans rien d'autre qu'un jeune enfant (scène entre Evelyne et le patron truand)
Lorsqu'elle rencontre son amour du passé, Evelyne n'assume pas ce qu'elle est devenue et fait croire à l'homme qui la ramène en voiture qu'elle vit dans un appartement cossu (avenue d'Iéna). L'homme se fait inviter chez elle pour le soir suivant
Evelyne, piégée par son mensonge, refusant de révéler la vérité à cet homme, va tout faire pour pouvoir louer cet appartement pour le lendemain : n'écoutant pas la mise en garde de son ami (le chanteur, amoureux), Evelyne va recourir à la seule solution disponible en un si court délai : vendre son âme au patron qui, en retour de la mise à disposition de l'appartement et de plusieurs effets, exige d'elle qu'elle l'assiste à voler l'homme et son ami, puis à faire d'autres coups ensemble.
Convaincue de l'absolue nécessité de ne pas révéler la vérité à l'homme qu'elle aime, Evelyne accepte le marché à contrecœur, la fatalité est en marche, le bonheur condamné...
La soirée se déroule bien mais alors que Babs et son homme s'absentent, l'enfant révèle innocemment à l'ami que lui et sa mère habitent habituellement dans un autre appartement : l'ami découvre la vérité
(… dodo)
Evelyne et son homme décident de remettre l'enfant aux soins de celui-ci qui repart au Canada
Désespérée, Evelyne retrouve son ami du cabaret dans une nuit glaciale ; celui-ci l'amène au bistro ; devant la peine d'Evelyne, il tente de joindre l'enfant sur le paquebot mais pendant qu'il téléphone, Evelyne quitte le bistro pour se jeter dans la Seine (c'est ce qu'on devine à la vue de l'ami qui appelle Evelyne le long du quai, sans que ses cris ne trouvent de réponse).
Thèmes :
- monde du spectacle (cabaret, coulisses, artistes, allégories : Hiver)
- la femme seule face à son destin (force, courage, bonté, résistance, fierté — injustice : Evelyne a commis l'erreur de se marier avec un malfrat, qui a été assassiné ; elle a dû se débrouiller pour survivre avec son enfant alors que son nom de mariage l'empêchait de prendre une position "honnête" ; elle n'accepte le marché que pour obtenir les moyens de ne pas décevoir l'homme qu'elle aime)
- idéalisme : sacrifice d'une vie aux principes de l'honneur, de l'absolu (l'amour pur sans tache ; la vie réelle comme souillure)
- la vérité et le mensonge, valeur de ces notions, risques de la dissimulation
- la fatalité, le bonheur éphémère
- le spectacle qui continue : alors que Evelyne et Henri s'en grillent une, le proprio les rappellent au travail ; lorsqu'Evelyne cherche à déchirer les photos d'elle dans le cadre accroché au mur de la rue, le proprio appelle au calme et tape dans ses mains pour relancer l'ambiance, se convaincre et convaincre les clients que la fête continue ("Quelle époque !")
Evelyne à un micheton éperdu : "Je ne suis personne, c'est même effrayant comme je suis personne"
Mélo noir, moins brillant, moins magique, fatalement sombre
Traces de Lola dans l'histoire, et la technique (rideaux, voilages, un voile se déplace comme si accroché à la caméra dans les scènes de coulisses, en suivant Henri, l'ami d'Evelyne)
vendredi 15 mai 2009
Libelei - Max Ophuls 1930 (d'après Arthur Schnitzler)
Vienne fin XIXème, début XXème
Au centre : deux lieutenants de dragons, Fritz, le beau garçon à vif, et Théo, le bon vivant viril, deux jeunes filles, Mizzi, la blonde noceuse, et Christine, la brune timide.
Autour : le père de Christine, musicien d'orchestre bienveillant pour sa fille adorée (à un collègue qui le sollicite pour se rapprocher de sa fille, et la critique pour ses sorties tardives, le père répond que dans leur jeunesse, il a "protégé" sa sœur, ainsi il l'a préservé des dangers, mais aussi privé des plaisirs) ; le baron et la baronne ; les hauts gradés et l'orchestre.
Alors que Fritz est avec la baronne, Théo attend au vestiaire pour rendre des jumelles tombées de la galerie et admonester leur propriétaire, c'st ainsi qu'il rencontre les deux filles, qu'il emmène au cabaret, où les rejoint Fritz, perturbé par sa visitependant laquelle il a manqué d'être surpris par le baron rentré prématurément, se doutant de quelqe chose. A la sortie du cabaret, Théo rentre avec Mizzi et charge Fritz de raccompagner Christine chez elle. Sur le
L'intrigue est nouée, les destins
Début du film dans un théâtre où se donne un concert, scènes de coulisses, vues à travers des trous dans les décors... scène de l'heure : la braonne à laquelle Fritz rend une visite dangereuse en s'absentant du concert, téléphone au régisseur pour connaître l'heure de fin du spectacle -> dans La Ronde, les personnages éconduits, en fin de cycle (la grisette qui attend le comte à la sortie du théâtre ; le bourgeois qui attend la grisette au restaurant), demandent l'heure à des personnages (concierge du théâtre ; maître d'hôtel) qui leur répondent qu'il est onze heures, à quoi les personnages rétorquent qu'ils ont "onze heures mois cinq", ce à quoi les personnages interrogés répondent : "moi aussi" : il ne s'agit donc pas d'erreur mais d'un mensonge compatissant pour atténuer la déception et devancer l'impatience des personnages : avancer de 5 minutes l'heure du moment, c'est écourter la souffrance, anticiper la fin, faire passer plus vite le (mauvais) tour.
Au centre : deux lieutenants de dragons, Fritz, le beau garçon à vif, et Théo, le bon vivant viril, deux jeunes filles, Mizzi, la blonde noceuse, et Christine, la brune timide.
Autour : le père de Christine, musicien d'orchestre bienveillant pour sa fille adorée (à un collègue qui le sollicite pour se rapprocher de sa fille, et la critique pour ses sorties tardives, le père répond que dans leur jeunesse, il a "protégé" sa sœur, ainsi il l'a préservé des dangers, mais aussi privé des plaisirs) ; le baron et la baronne ; les hauts gradés et l'orchestre.
Alors que Fritz est avec la baronne, Théo attend au vestiaire pour rendre des jumelles tombées de la galerie et admonester leur propriétaire, c'st ainsi qu'il rencontre les deux filles, qu'il emmène au cabaret, où les rejoint Fritz, perturbé par sa visitependant laquelle il a manqué d'être surpris par le baron rentré prématurément, se doutant de quelqe chose. A la sortie du cabaret, Théo rentre avec Mizzi et charge Fritz de raccompagner Christine chez elle. Sur le
L'intrigue est nouée, les destins
Début du film dans un théâtre où se donne un concert, scènes de coulisses, vues à travers des trous dans les décors... scène de l'heure : la braonne à laquelle Fritz rend une visite dangereuse en s'absentant du concert, téléphone au régisseur pour connaître l'heure de fin du spectacle -> dans La Ronde, les personnages éconduits, en fin de cycle (la grisette qui attend le comte à la sortie du théâtre ; le bourgeois qui attend la grisette au restaurant), demandent l'heure à des personnages (concierge du théâtre ; maître d'hôtel) qui leur répondent qu'il est onze heures, à quoi les personnages rétorquent qu'ils ont "onze heures mois cinq", ce à quoi les personnages interrogés répondent : "moi aussi" : il ne s'agit donc pas d'erreur mais d'un mensonge compatissant pour atténuer la déception et devancer l'impatience des personnages : avancer de 5 minutes l'heure du moment, c'est écourter la souffrance, anticiper la fin, faire passer plus vite le (mauvais) tour.
jeudi 14 mai 2009
La Ronde - Max Ophüls 1950 (d'après Arthur Schnitzler)
Sublime.
Un narrateur omniscient interventionniste, Monsieur Loyal, présentateur, démiurge... qui fait tourner un manège et les vies de
- Léocadie (Simne Signoret) - une jeune femme qui aime les militaires (même pas prostituée : elle ne demande pas d'argent, seulement un uniforme : )
- un jeune soldat Franz (Reggiani) - le 6ème à passer devant elle
- une domestique Marie (Simone Simon : ma-gni-fique : yeux, poitrine, expression d'innocence et de sens en retenue offerte)
- un fils à Papa-Maman (Daniel Gélin) - oisif, maladroit mais sûr de lui ("Marie !" etc. "ce corsage, il est bleu ?")
- une femme mariée (Danielle Darieux) - qui se dévergonde avec lui, faute de mieux semble-t-il, mais elle assume.
ICI coup de la panne : le manège sur lequel le diseur tourne la manivelle s'arrête un instant — le temps de la faiblesse de Gélin, qu'il met à profit pour parler du De l'Amour de Stendhal et des soldats "de cavalerie", dont un qui a passé 3 nuits, ou 6 nuits (3 nuits plutôt selon Danielle Darrieux) sans pouvoir et à pleurer dans les bras de son amie — discussion autour du terme "camarade". Dans un mouvement, Gélin prend Darrieux dans ses bras, réparé, le manège repart...
- le mari notable qui instruit sa femme des contraintes qui veulent qu'une jeune fille de bonne famille soit mariée avant de connaître la vie, et qu'un jeune homme doive apprendre la vie avec des femmes d'un autre genre (les "créatures" dont Darrieux veut que son mari lui raconte la vie — ce à quoi il se refuse ; mari qui, sans apparemment comprendre que sa femme le trompe, la met en garde contre ce genre de femmes mariées qui prennent du plaisir à l'extérieur (et qui meurent jeunes)
- la grisette (ni midinette ni cocotte) que le mari grise au Champagne dans un salon particulier (genre d'endroit dans lequel elle n'est allée qu'une fois, en compagnie d'une amie et du compagnon de celle-ci), un tantinet vulgaire
- le poète-dramaturge-auteur-à-succès (Jean-Louis Barrault) - en pleine créativité éthérée, qui n'a que de quoi boire, mais rien à manger ("Veux-tu que j'achète de la charcuterie ? — Oh non ! pas de la charcuterie")
- l'actrice dramatique — le couple de théâtre malheureux sans esclandre, ils savent déjà ce qu'ils vont se dire — gifles et embrassade
- le comte (Gérard Philipe) et grand militaire — amoureux de l'actrice
ICI scène de la "censure" : alors que le comte se jette dans le lit de l'actrice, plan sur le diseur en haut de forme, qui tient la bande et une paire de ciseau, avec laquelle il coupe brutalement le passage (mot prononcé très légèrement : "censure"), l'action reprenant abruptement après l'acte : )
mais un peu inconséquent, et très ivre - scène de la nuit d'ivresse qu'il ne se rappelle que par bribes, qu'il reconstruit petit à petit allongé à même le sol, les yeux douloureux, image de l'attelage avec le lévrier derrière (Arras ?), élocution hésitante mêlant accent aristo et débit alcoolisé
- retour sur Léocadie dans la chambre de laquelle le comte a passé la nuit sans trop s'en rendre compte, puis sur Franz qu'il croise dans la rue
Magie, poésie, finesse, légèreté, dialogues, décors, jeu d'acteurs : très grand
Personnage du diseur = le Monsieur Loyal (Peter Ustinov) de Lola Montès
Portraits de femmes libérées, même si elles ne maîtrisent pas toutes leur destin, elle joue avec la vie, comme dans une ronde
Un narrateur omniscient interventionniste, Monsieur Loyal, présentateur, démiurge... qui fait tourner un manège et les vies de
- Léocadie (Simne Signoret) - une jeune femme qui aime les militaires (même pas prostituée : elle ne demande pas d'argent, seulement un uniforme : )
- un jeune soldat Franz (Reggiani) - le 6ème à passer devant elle
- une domestique Marie (Simone Simon : ma-gni-fique : yeux, poitrine, expression d'innocence et de sens en retenue offerte)
- un fils à Papa-Maman (Daniel Gélin) - oisif, maladroit mais sûr de lui ("Marie !" etc. "ce corsage, il est bleu ?")
- une femme mariée (Danielle Darieux) - qui se dévergonde avec lui, faute de mieux semble-t-il, mais elle assume.
ICI coup de la panne : le manège sur lequel le diseur tourne la manivelle s'arrête un instant — le temps de la faiblesse de Gélin, qu'il met à profit pour parler du De l'Amour de Stendhal et des soldats "de cavalerie", dont un qui a passé 3 nuits, ou 6 nuits (3 nuits plutôt selon Danielle Darrieux) sans pouvoir et à pleurer dans les bras de son amie — discussion autour du terme "camarade". Dans un mouvement, Gélin prend Darrieux dans ses bras, réparé, le manège repart...
- le mari notable qui instruit sa femme des contraintes qui veulent qu'une jeune fille de bonne famille soit mariée avant de connaître la vie, et qu'un jeune homme doive apprendre la vie avec des femmes d'un autre genre (les "créatures" dont Darrieux veut que son mari lui raconte la vie — ce à quoi il se refuse ; mari qui, sans apparemment comprendre que sa femme le trompe, la met en garde contre ce genre de femmes mariées qui prennent du plaisir à l'extérieur (et qui meurent jeunes)
- la grisette (ni midinette ni cocotte) que le mari grise au Champagne dans un salon particulier (genre d'endroit dans lequel elle n'est allée qu'une fois, en compagnie d'une amie et du compagnon de celle-ci), un tantinet vulgaire
- le poète-dramaturge-auteur-à-succès (Jean-Louis Barrault) - en pleine créativité éthérée, qui n'a que de quoi boire, mais rien à manger ("Veux-tu que j'achète de la charcuterie ? — Oh non ! pas de la charcuterie")
- l'actrice dramatique — le couple de théâtre malheureux sans esclandre, ils savent déjà ce qu'ils vont se dire — gifles et embrassade
- le comte (Gérard Philipe) et grand militaire — amoureux de l'actrice
ICI scène de la "censure" : alors que le comte se jette dans le lit de l'actrice, plan sur le diseur en haut de forme, qui tient la bande et une paire de ciseau, avec laquelle il coupe brutalement le passage (mot prononcé très légèrement : "censure"), l'action reprenant abruptement après l'acte : )
mais un peu inconséquent, et très ivre - scène de la nuit d'ivresse qu'il ne se rappelle que par bribes, qu'il reconstruit petit à petit allongé à même le sol, les yeux douloureux, image de l'attelage avec le lévrier derrière (Arras ?), élocution hésitante mêlant accent aristo et débit alcoolisé
- retour sur Léocadie dans la chambre de laquelle le comte a passé la nuit sans trop s'en rendre compte, puis sur Franz qu'il croise dans la rue
Magie, poésie, finesse, légèreté, dialogues, décors, jeu d'acteurs : très grand
Personnage du diseur = le Monsieur Loyal (Peter Ustinov) de Lola Montès
Portraits de femmes libérées, même si elles ne maîtrisent pas toutes leur destin, elle joue avec la vie, comme dans une ronde
Inscription à :
Articles (Atom)