vendredi 22 mai 2009

Pas de pardon - Döblin 1935

Histoire de Karl en trois actes : La pauvreté, La prospérité, La crise ; bref, le paradigme du capitalisme : à la croissance succède la crise.
(edit) finalement (comme pour Franz) : lutte de Karl contre "son" destin : concours entre le destin d'industriel affairiste que sa mère, sa femme, les membres des coteries lui assignent (destin externe), et l'aspiration à la liberté, à la cause du peuple qui fut sa première sensibilité, ses premières émotions (Paul) (destin interne — la liberté, la sincérité se paie au prix de la mort)

Le père de Karl, entrepreneur raté qui a dilapidé la dot de sa femme dans des projets inconsidérés (genre un grand hôtel en pleine campagne), meurt prématurément laissant sa femme avec Karl, son frère Erich et sa sœur Marie.

La mère est accueillie et hébergée en ville par son frère, fabricant de meubles âpre au gain, bercée d'illusions déçues et prise à la gorge par les créanciers, elle tente de suicider, acte fondateur de la nouvelle vie de la petite famille : Karl va devoir prendre la place du père, le frère va être fragilisé et servira de tampon, la sœur disparaîtra vite, mais surtout, la mère décidera que le fils ne lui fera jamais ce que le père lui a fait : elle va s'assurer de sa soumission à son souhait d'une vie rangée et profitable, brisant en Karl ses velléités (vagues) de révolutionnaire puis d'artisan avec des projets (la mère est devenue allergique à tout projet qui pourrait à nouveau faire basculer la famille dans le besoin).

Jeunesse de Karl : traîne dans la ville (seul d'abord puis avec sa mère) ; rencontre Paul, le jeune blond déjà homme, anarchiste engagé (évasion des terroristes, discours anti-capitalistes : la première occurrence de "Pas de pardon" est dans un passage d'un monologue dans lequel il explique à Karl que les patrons ont leur loi, les pauvres, la leur, que le combat doit être sans pitié) ; à gagner sa vie en aidant une marchande de fruits...

Relation Karl-Paul : attirance homosexuelle très claire (cf, Musil, Les Désarrois de l'élève Törless : une image de la jeunesse virile austro-allemande ? travestissement de Paul, séduction, mais aussi force et violence)

La femme de Karl, Julie, qu'il a un peu traitée comme un meuble bien rangé, proprement mais sans passion, se décide à tenter l'aventure adultère avec un Mexicain, José -> dans Berlin A., Mimi trompe Franz avec un jeune soudeur d'abord (la drague, les mots, la beauté) puis avec Pums, la force virile et incontrôlée (contre la faiblesse difforme mais aimante de Franz — ne pas négliger les hésitations de Mimi qui veut (nous faire) croire que c'est aussi pour aider Franz qu'elle cherche à faire parler Pums) / dans La Maison et le Monde de Tagore : Nikhil traite Bimala avec un amour très respectueux mais un peu chosifiant, même cause, même effet

Passages sur l'acte sexuel, les ablutions préalables (cf extraits ci-dessous)

Passages sur la crise : très finement analysée dans son implacable déroulement, son insidieux cheminement dans la familiarité
- "Jusqu'ici, on avait fait preuve de calme et de patience, mais sous prétexte qu'on ne remboursait pas, l'étranger refusait de nouveaux prêts, c'était un comble ! C'était une vengeance ourdie par ceux à qui on avait affirmé que les choses ne pouvaient continuer ainsi. On apprit qu'à l'étranger, ils reprochaient aux pays débiteurs d'avoir investi l'argent prêté dans des banques, de puissantes fabriques, des hôpitaux et des quartiers neufs. Oui,  et pourquoi sinon le leur aurait-on emprunté ? N'avaient-ils pas plutôt, tout bonnement, imposé aux autres leur argent de Mammon pour toucher des intérêts substantiels, exploiter la sueur et le travail des autres ? Subtile méthode ! Et ensuite, ils vous reprochaient d'avoir travaillé ! On avait affaire à un adversaire peu délicat (cf. Shylock*). Toujours est-il qu'il ne prêtait plus." (p190 -> Stiglitz, Un autre monde, p297s, surendettement vs surfinancement)) [*Le personnage du Marchand de Venise de Shakespeare qui exige "une livre de chair" à Antonio]

Dommage : le style a comme disparu — subsistent les techniques de tutoiement, de prédictions de la fatalité, des parenthèses, des remarques de la part du narrateur, mais plus de langage vif, plus de syntaxe brutale, plus de collages, du linéaire tiède assez rebutant au départ

Plus de mythologie biblique (correction : moins de Bible mais toujours des réf à Eve, à Caïn, à Babylone), à la place : le Panthéon (la demeure des rois — en bas, la populace, les soumis) ; le tableau d'un roi sur son cheval, son ennemi se rendant à ses pieds ; l'armure dans son "musée" personnel (le chevalier de fer-blanc)

Toujours la ville organique, corps difforme à la croissance trop rapide, engraissée dangereusement ; géographie des classes (Karl veut rester dans le quartier de banlieue où ila  emménagé à son arrivée avec sa mère, et malgré le succès, contre la volonté de Julie, y restera toujours : position géographique déplacée par rapport à la classe / positionnement politique, psychologique pas coordonné, manque d'harmonie traduit le tiraillement intérieur) ; ville arbre

Lieu : une grande ville, avec ses quartiers riches, ses quartiers commerçants, ses quartiers pauvres/industriels, ses banlieues, un nord, un sud, sa forêt, pas souvenir d'avoir lu "Berlin"

Temporalité : avant et pendant une crise, avant une guerre (annonce prémonitoire à la fin : les champs ne produiront plus de blé mais porteront des croix : forcément avant la guerre de 14-18)

Les discours-programmes :
- Paul : le communisme révolutionnaire, l'activisme

"Eh bien Karl, il faut que tu comprennes pourquoi ils construisent des asiles de nuit. Ils veulent déblayer les rues de leurs ordures et les ordures reconnaissent gentiment : c'est vrai que nous ne sommes pas belle et elles s'écoulent dans les caniveaux prévus." (Paul jeune à Karl p65)
"Regarde, ils trônent sur la montagne pendant que nous sommes dans le marécage. Après quoi, il suffira de déblayer, nous serons fichus. Car, tu as vu, ils ne nous font rien, ils nous laissent vivre. (...) Mais de temps en temps, ils descendent avec des torches et quand notre monde les rebute ou les irrite trop ils mettent le feu. Il leur faut s'y résoudre quand les asiles de nuit ne suffisent plus et que les immondices ne s'arrêtent plus aux bords des trottoirs mais envahissent les rues." (Paul et Karl regarde les palais, les demeures seigneuriales et les hauts monuments p66)

- les partis / les syndicats : pour le dialogue, la réforme : dépassés par les activistes (soupçon de la manipulation de ces groupes par le gouvernement, pour discréditer la cause / les partis, eux, se tiennent pour ne pas faire le jeu du gouvernement)

Karl, alors tout juste embauché comme employé dans l'usine de meubles de l'oncle, se rend dans la maison du syndicat, reprise en discours indirect du président du syndicat : "Pour l'ouvrier, pour les opprimés de cette terre un seul mot : organisation."

- les industriels : 
- les aristocrates : la famille régnante en retrait
- le gouvernement : frappe dur ; 
- les militaires

// Franz Biberkopf : 
- le personnage cherche à suivre un chemin qu'il a décidé de s'imposer contre ce qu'il ressent comme ce qui lui est destiné : la criminalité pour Franz, la réussite par l'argent pour Karl
- à sa sortie de prison, Franz veut prendre une position honnête mais il est piégé par Pums, puis envoûté par la force de ce truand manipulateur auquel il ne sait comment s'opposer, résister, diminué par son handicap, Franz retombe dans l'ornière de son destin ; manque de mourir physiquement, puis renaît sous une autre forme : un Franz assagi, redressé et humble, soumis à la loi sociale, qui accepte une petite position de gardien // Karl veut d'abord s'émanciper du joug de sa mère sous l'effet de la séduction de Paul, le révolutionnaire trouble (mystère de ses activités et de sa sexualité — beauté et travestissement) ; sa mère le force à quitter très vite ce chemin de biais, par un chantage affectif (la menace d'une nouvelle tentative de suicide ; la fragilité, la fatigue (Doblin décrit le rapport de la mère au sommeil, simplicité du refuge dans la difficulté) ; l'amour maternel et les devoirs du grand frère "soutien de famille") ; elle le place chez l'oncle et l'oblige moralement envers lui ; Karl y trouve son compte tant qu'il est ouvrier, proche des travailleurs, accepte avec réticence la promotion offerte/imposée par l'oncle puis joue le jeu de la progression fulgurante et de la réussite sociale, avec les à-côtés que sont le beau mariage, la représentation, le pouvoir, les compromis, jusqu'à la compromission et l'illicite ; dans la crise et face au vrai visage de l'aristocratie, des militaires, des puissants, Karl se retrouve à devoir affronter ses anciens démons ; le retour de Paul coïncide avec ses nouvelles interrogations sur sa place, son engagement, son choix dans la lutte des classes : il décide finalement de laisser parler sa première sensibilité, de faire revivre ses premières convictions, d'exprimer à nouveau sa fidélité à Paul (qui explique à un Karl perdu, éperdu d'amour et d'un besoin de rédemption, incapable de bien saisir ce qui s'est passé et ce qui se passe, suppliant, qu'il a trahi la cause et que malgré les gestes de courage et de dévouement effectués dans sa jeunesse, toute la vie de Karl a été un renoncement à ces idéaux, une violation de son premier pacte, et que Karl est donc, aux yeux de Paul, le seul responsable de cet éloignement entre eux deux, là où Karl essaie de faire comprendre combien il a été victime de sa vie, de sa femme, de sa mère, de sa famille) : dans un élan irraisonné d'abandon des puissants vers les partisans des quartiers nord, Karl se jette vers sa fin mais aussi vers son retour à lui-même, à sa vérité -> cette fois, mort physique mais survie mythologique : le camp des riches en fait un héros de leur cause par des articles élogieux
(Ici cf Borges, Thème du traître et du héros, in Fictions : les militants irlandais veulent tuer un traître mais par crainte de discréditer leur lutte, mettent en scène et en histoire, le récit de cette mort, recours aux éloges posthumes)

// Tagore, La Maison et le Monde, 1915 :
- une épouse respectée, choyée, certainement aimée, mais sans passion, ou sans la passion que la femme attend, dont elle a besoin, une passion des sens et du corps
- recours au tiers : le révolutionnaire passionné et fougueux dans La Maison..., à l'étranger séducteur non impliqué mais humain et aimant dans Pas de pardon (José, attaché d'ambassade mexicain)
- rapport à l'étranger, au monde extérieur (au pays, pas seulement au foyer) : dans La Maison : rejet de la présence étrangère, des produits fabriqués à l'étranger (laine, parfums, costumes, savons) au profit des productions locales (le Swadeshi et son irréalisme économique : Nibil démontre l'impossibilité, dans l'immédiat, de vendre des produits fabriqués au Bengale à une population nationale essentiellement pauvre, du fait du coût de production dans un pays peu développé au regard des coûts de revient et des prix de vente conséquemment moindres des biens importés de pays industriels) / dans Pas de pardon : tentation de la délocalisation des moyens de production, démontage des usines et implantation des machines à l'étranger où les coûts de production sont moindres (et action sous l'impulsion du major, et sous la pression du groupe : tous le font ou voudraient le faire mais nul ne l'avoue par peur de la publicité, des accusations d'anti-patriotisme...)

Toujours technique du dénouement fatal, avec des annonces prémonitoires

Humour, not. dans les scènes conjugales :
- le rapport de Karl au sexe et à l'hygiène
- à propos de la mère de Karl qui reprend vie dans la société du pasteur : "Quand les morts se réveillent, il en résulte des tragédies mais parfois aussi des comédies burlesques." (p140)
- "Elle se sentait bien auprès d'Erich. (...) Elle comptait beaucoup sur le charme évident qu'exerçait auprès des hommes sa bêtise au-dessous de la moyenne." (p179)
- "Il se tordait les mains : que voulait-elle donc en désirant un enfant, un enfant à tout prix ? Pourquoi pas un chien ou un chat angora ? Il y avait déjà tant d'enfants sur cette terre, pourquoi voulait-elle encore en augmenter le nombre ? (...) Il lui demanda prudemment s'il était nécessaire que l'enfant soit de lui." ; "Il y eut tempête sur tempête. Il n'osait même pas faire allusion à la nécessité de divorcer sous peu. Il se trouvait prisonnier d'une situation qu'il jugeait contre nature. Alors qu'elle trouvait que la situation était redevenue normale." (scène entre Julie et Karl p181)

Edit 9 juin



lundi 18 mai 2009

Les Souffrances du jeune Werther - Max Ophüls 1938

D'après Goethe

L'amour impossible du jeune juge référendaire Werther pour la jeune Charlotte, promise à son supérieur.

- La tante qui crie "Charlotte" à tout bout de champ pendant la fête du village

- La vision de Werther par la longue-vue quand le petit frère reconnaît l'homme qui lui a donné son chapeau dans la diligence : effet visuel d'un disque d'image sur fond extérieur noir

- La diligence : ressemble beaucoup à celle dans laquelle Lola se déplace — mais en NB alors que celle de Lola est rouge/rose

- Des escaliers : surtout la scène finale où albert, le mari, demande à charlotte de chercher les pistolets de w, puis monte les chercher lui-même, scène des prières de Charlotte suspendue comme accrochée à la rambarde (scène des escaliers dans Liebelei : Christine quitte l'appartement de Fritz où son père et ses amis l'ont rejointe ; elle descend comme étourdie, s'arrête à hauteur de la fenêtre et saute ; vues en contre-plongée + escalier central dans la maison du baron, scènes d'espace, de cache--cache quand Fritz cherche à partir sans être vu du baron ; lieu de jeu; passage du frère du baron... / scènes des marches dans La Ronde : les marches vers le quai, voûte sous laquelle Léocadie embrasse Franz) / dans Sans lendemain : escalier dans l'immeuble de Evelyne, marches de la rue au cabaret, du cabaret à la cour...

- des portes-fenêtres : séparation-transition du cabinet du juge référendaire au bureau des assesseurs ; dans La Ronde : Marie (Simone simon)-Alfred (Gélin) jeu du va-et-vient pour obtenir le corsage de Marie ; dans Liebelei : après le vestibule, entre la porte d'entrée et l'appartement de Fritz ;

- scènes de grand air : paysages bucoliques et tragiques (suicide de Werther sous l'arbre aux promesses)

- amour familial : Charlotte et son petit frère qu'elle sert malgré son retard (beauté de l'amour féminin pour son prochain : frère dans Werther, fils dans Sans lendemain) ; tendresse, câlins et baisers

- théâtralité : le frère interprète les poèmes de Werther dans la chambre des enfants ; les prostituées ridiculisent le même texte lorsque Werther est au cabaret pour oublier Charlotte

- Sur la morale : l'honneur, les conventions, le règlement (les retards de Werther et sa fleur ; les lectures révolutionnaires cachées (Le Contrat social de Rousseau)) / l'amour, la passion (débat sur les "limites" de la passion entre Werther et albert lors de l'arrestation d'un assassin coupable d'un crime passionnel), la vérité et le mensonge (le mensonge originel : Charlotte omet de dire à Werther qu'elle est déjà promise à Albert — poids de l'autorité sur la femme : elle ne peut revenir sur un engagement pris en partie pour elle, ses préférences ne peuvent prévaloir ; refus d'explication de werther face aux questions d'Albert sur ses déviances nocturnes ; franchise de Charlotte à propos de la lettre de werther, sur les conseils du prêtre qui cite la Bible pour l'inciter à dire la vérité à son mari) / figure des anciens : le président du tribunal comprend werther mais révèle maladroitement la vérité sur ses sentiments à albert auquel Werther refusait de s'expliquer (dans Liebelei : le père comprend et autorise la liberté des sentiments de christine, son expérience avec sa propre sœur l'ayant instruit sur les dangers d'étouffer la passion)

- la mélodie des carillons : remplacement de la mélodie traditionnelle inspirée par la présence suédoise au XIIIme siècle (?) par une composition d'un auteur de la ville - patriotisme/xénophobie curieux quand dans ses lectures, Werther place tous ses espoirs dans les idées de la révolution française / scènes de torture pour Charlotte dès que le carillon se met à retentir, lui rappelant sans cesse son amour pour Werther et les souffrances de celui-ci

dimanche 17 mai 2009

Sans lendemain - Max Ophüls 1939

Dernières heures de la vie d'Evelyne, danseuse-entraîneuse au cabaret La Sirène, (rôle : l'Hiver dans une revue appelée Les Quatre saisons)

Un matin, en rentrant du cabaret, elle apprend par une lettre que son fils s'est fait renvoyer de son pensionnat ; dans une soirée de retrouvailles et d'amour maternel, l'enfant lui révèle qu'il a fait exprès d'être renvoyé pour se retrouver avec sa mère
Le lendemain, Evelyne est accostée par un homme de son passé, et l'histoire d'Evelyne est révélée : Evelyne, alors appelée "Babs", a rencontré cet homme à Montréal, tous deux sont tombés amoureux, Evelyne a dû partir précipitamment, quittant l'homme sans lui faire ses adieux et sans plus jamais lui donner de nouvelles ; de retour à Paris, Evelyne s'est mariée à un truand qu'on a "suicidé", la laissant sans rien d'autre qu'un jeune enfant (scène entre Evelyne et le patron truand)
Lorsqu'elle rencontre son amour du passé, Evelyne n'assume pas ce qu'elle est devenue et fait croire à l'homme qui la ramène en voiture qu'elle vit dans un appartement cossu (avenue d'Iéna). L'homme se fait inviter chez elle pour le soir suivant
Evelyne, piégée par son mensonge, refusant de révéler la vérité à cet homme, va tout faire pour pouvoir louer cet appartement pour le lendemain : n'écoutant pas la mise en garde de son ami (le chanteur, amoureux), Evelyne va recourir à la seule solution disponible en un si court délai : vendre son âme au patron qui, en retour de la mise à disposition de l'appartement et de plusieurs effets, exige d'elle qu'elle l'assiste à voler l'homme et son ami, puis à faire d'autres coups ensemble.
Convaincue de l'absolue nécessité de ne pas révéler la vérité à l'homme qu'elle aime, Evelyne accepte le marché à contrecœur, la fatalité est en marche, le bonheur condamné...
La soirée se déroule bien mais alors que Babs et son homme s'absentent, l'enfant révèle innocemment à l'ami que lui et sa mère habitent habituellement dans un autre appartement : l'ami découvre la vérité
(… dodo)
Evelyne et son homme décident de remettre l'enfant aux soins de celui-ci qui repart au Canada
Désespérée, Evelyne retrouve son ami du cabaret dans une nuit glaciale ; celui-ci l'amène au bistro ; devant la peine d'Evelyne, il tente de joindre l'enfant sur le paquebot mais pendant qu'il téléphone, Evelyne quitte le bistro pour se jeter dans la Seine (c'est ce qu'on devine à la vue de l'ami qui appelle Evelyne le long du quai, sans que ses cris ne trouvent de réponse).

Thèmes :
- monde du spectacle (cabaret, coulisses, artistes, allégories : Hiver)
- la femme seule face à son destin (force, courage, bonté, résistance, fierté — injustice : Evelyne a commis l'erreur de se marier avec un malfrat, qui a été assassiné ; elle a dû se débrouiller pour survivre avec son enfant alors que son nom de mariage l'empêchait de prendre une position "honnête" ; elle n'accepte le marché que pour obtenir les moyens de ne pas décevoir l'homme qu'elle aime)
- idéalisme : sacrifice d'une vie aux principes de l'honneur, de l'absolu (l'amour pur sans tache ; la vie réelle comme souillure)
- la vérité et le mensonge, valeur de ces notions, risques de la dissimulation
- la fatalité, le bonheur éphémère
- le spectacle qui continue : alors que Evelyne et Henri s'en grillent une, le proprio les rappellent au travail ; lorsqu'Evelyne cherche à déchirer les photos d'elle dans le cadre accroché au mur de la rue, le proprio appelle au calme et tape dans ses mains pour relancer l'ambiance, se convaincre et convaincre les clients que la fête continue ("Quelle époque !")

Evelyne à un micheton éperdu : "Je ne suis personne, c'est même effrayant comme je suis personne"

Mélo noir, moins brillant, moins magique, fatalement sombre

Traces de Lola dans l'histoire, et la technique (rideaux, voilages, un voile se déplace comme si accroché à la caméra dans les scènes de coulisses, en suivant Henri, l'ami d'Evelyne)

vendredi 15 mai 2009

Libelei - Max Ophuls 1930 (d'après Arthur Schnitzler)

Vienne fin XIXème, début XXème
Au centre : deux lieutenants de dragons, Fritz, le beau garçon à vif, et Théo, le bon vivant viril, deux jeunes filles, Mizzi, la blonde noceuse, et Christine, la brune timide.
Autour : le père de Christine, musicien d'orchestre bienveillant pour sa fille adorée (à un collègue qui le sollicite pour se rapprocher de sa fille, et la critique pour ses sorties tardives, le père répond que dans leur jeunesse, il a "protégé" sa sœur, ainsi il l'a préservé des dangers, mais aussi privé des plaisirs) ; le baron et la baronne ; les hauts gradés et l'orchestre.
Alors que Fritz est avec la baronne, Théo attend au vestiaire pour rendre des jumelles tombées de la galerie et admonester leur propriétaire, c'st ainsi qu'il rencontre les deux filles, qu'il emmène au cabaret, où les rejoint Fritz, perturbé par sa visitependant laquelle il a manqué d'être surpris par le baron rentré prématurément, se doutant de quelqe chose. A la sortie du cabaret, Théo rentre avec Mizzi et charge Fritz de raccompagner Christine chez elle. Sur le
L'intrigue est nouée, les destins
Début du film dans un théâtre où se donne un concert, scènes de coulisses, vues à travers des trous dans les décors... scène de l'heure : la braonne à laquelle Fritz rend une visite dangereuse en s'absentant du concert, téléphone au régisseur pour connaître l'heure de fin du spectacle -> dans La Ronde, les personnages éconduits, en fin de cycle (la grisette qui attend le comte à la sortie du théâtre ; le bourgeois qui attend la grisette au restaurant), demandent l'heure à des personnages (concierge du théâtre ; maître d'hôtel) qui leur répondent qu'il est onze heures, à quoi les personnages rétorquent qu'ils ont "onze heures mois cinq", ce à quoi les personnages interrogés répondent : "moi aussi" : il ne s'agit donc pas d'erreur mais d'un mensonge compatissant pour atténuer la déception et devancer l'impatience des personnages : avancer de 5 minutes l'heure du moment, c'est écourter la souffrance, anticiper la fin, faire passer plus vite le (mauvais) tour.

jeudi 14 mai 2009

La Ronde - Max Ophüls 1950 (d'après Arthur Schnitzler)

Sublime.
Un narrateur omniscient interventionniste, Monsieur Loyal, présentateur, démiurge... qui fait tourner un manège et les vies de
- Léocadie (Simne Signoret) - une jeune femme qui aime les militaires (même pas prostituée : elle ne demande pas d'argent, seulement un uniforme : )
- un jeune soldat Franz (Reggiani) - le 6ème à passer devant elle
- une domestique Marie (Simone Simon : ma-gni-fique : yeux, poitrine, expression d'innocence et de sens en retenue offerte)
- un fils à Papa-Maman (Daniel Gélin) - oisif, maladroit mais sûr de lui ("Marie !" etc. "ce corsage, il est bleu ?")
- une femme mariée (Danielle Darieux) - qui se dévergonde avec lui, faute de mieux semble-t-il, mais elle assume.
ICI coup de la panne : le manège sur lequel le diseur tourne la manivelle s'arrête un instant — le temps de la faiblesse de Gélin, qu'il met à profit pour parler du De l'Amour de Stendhal et des soldats "de cavalerie", dont un qui a passé 3 nuits, ou 6 nuits (3 nuits plutôt selon Danielle Darrieux) sans pouvoir et à pleurer dans les bras de son amie — discussion autour du terme "camarade". Dans un mouvement, Gélin prend Darrieux dans ses bras, réparé, le manège repart...
- le mari notable qui instruit sa femme des contraintes qui veulent qu'une jeune fille de bonne famille soit mariée avant de connaître la vie, et qu'un jeune homme doive apprendre la vie avec des femmes d'un autre genre (les "créatures" dont Darrieux veut que son mari lui raconte la vie — ce à quoi il se refuse ; mari qui, sans apparemment comprendre que sa femme le trompe, la met en garde contre ce genre de femmes mariées qui prennent du plaisir à l'extérieur (et qui meurent jeunes)
- la grisette (ni midinette ni cocotte) que le mari grise au Champagne dans un salon particulier (genre d'endroit dans lequel elle n'est allée qu'une fois, en compagnie d'une amie et du compagnon de celle-ci), un tantinet vulgaire
- le poète-dramaturge-auteur-à-succès (Jean-Louis Barrault) - en pleine créativité éthérée, qui n'a que de quoi boire, mais rien à manger ("Veux-tu que j'achète de la charcuterie ? — Oh non ! pas de la charcuterie")
- l'actrice dramatique — le couple de théâtre malheureux sans esclandre, ils savent déjà ce qu'ils vont se dire — gifles et embrassade
- le comte (Gérard Philipe) et grand militaire — amoureux de l'actrice
ICI scène de la "censure" : alors que le comte se jette dans le lit de l'actrice, plan sur le diseur en haut de forme, qui tient la bande et une paire de ciseau, avec laquelle il coupe brutalement le passage (mot prononcé très légèrement : "censure"), l'action reprenant abruptement après l'acte : )
mais un peu inconséquent, et très ivre - scène de la nuit d'ivresse qu'il ne se rappelle que par bribes, qu'il reconstruit petit à petit allongé à même le sol, les yeux douloureux, image de l'attelage avec le lévrier derrière (Arras ?), élocution hésitante mêlant accent aristo et débit alcoolisé
- retour sur Léocadie dans la chambre de laquelle le comte a passé la nuit sans trop s'en rendre compte, puis sur Franz qu'il croise dans la rue

Magie, poésie, finesse, légèreté, dialogues, décors, jeu d'acteurs : très grand

Personnage du diseur = le Monsieur Loyal (Peter Ustinov) de Lola Montès
Portraits de femmes libérées, même si elles ne maîtrisent pas toutes leur destin, elle joue avec la vie, comme dans une ronde

La Maison et le monde - Rabindranath Tagore (1915)

Bengale, avant 1915, agitations nationalistes du mouvement indou Swadeshi (chant : Bande Mataram) pour une émancipation de l'Inde des puissances étrangères (Royaume-Uni mais aussi Allemagne...), puis pour une dissociation d'avec les musulmans (qui tiennent de nombreux commerces, ne respectent pas les rites et les interdits indous ex. des vaches qu'ils sacrifient en violation des croyances indoues)

Roman à troix voix, trois narrateurs :
- Bimala, épouse de Nikhil, la Chota Rani (la belle-fille) : figure d'une Inde trop longtemps restée murée dans ses traditions, comme cette femme que Nikhil a aimé à sa façon, sans passion apparente, mais fidèlement et assidûment ; lorsque Sandip affirme sa place face à Nikhil, sa beauté et ses mots, sa vigueur et sa franchise séduisent immédiatement une Bimala habituée en 9 ans de mariage à des propos plus doux, des attetions moins vives ; le discours amoureux de Sandip passe par le discours patriotique ou prétendu tel
- Nikhil : Maharadja, figure du Bengale ancestral, respect des coutumes, mais aussi grande éducation, sagesse, et ouverture raisonné aux valeurs occidentales, respect des différences (des musulmans, dont il considère les revendications voire la violence comme une conséquence compréhensible de l'intolérance traditionnelle du Bengale, de son oppression à leur égard ; des femmes : il prend Bimala en douceur, respecte ses positions, quand elle veut prendre une domestique anglaise et quand elle veut devenir une égérie de la cause Swadeshi ; des pauvres : il prend fait et cause pour le pauvre Babu ? lorsque celui-ci dans une extrême dénuement tombe dans un piège ourdi par le swadeshi - le maître résoudra cette affaire avec tact et ruse, ce que Nikhil ne pouvait s'abaisser à faire)
- Sandip : jeune homme à la tête du Swadeshi ; figure de la passion dominant la raison, du désir, de la violence, de la puissance, de la destruction, de la séduction ; dans ses vingt ans, il dit qu'il devra mourir avant 30 ans, comme ses frères ; grand orateur enflammé en public, séducteur acharné et éhonté face à Bimala, dans le palais, face même à Nikhil, il revendique son absence totale de retenue pour obtenir ce qu'il souhaite

Personnages secondaires :
- la Bara Rani (la grande dame - belle-sœur) :
- Amyula : disciple de Sandip, très jeune, prêt au coup de poing, figure de la jeunesse hésitante
- le maître de Nikhil : figure de la sagesse

http://www.online-literature.com/tagore-rabindranath/home-and-the-world/

mercredi 6 mai 2009

Hedda Gabler - Ibsen (Nor.) 1890

Jörgen Tesman : jeune docteur en histoire des civilisations - thèse sur "L'artisanat du Brabant au Moyen-âge"
Mme Hedda Tesman (Gabler) : de retour de son voyage de noces en Europe (Tyrol not.)
Melle Tesman - Tante Juliane : tante du docteur - vit avec et s'occupe de sa sœur Rina, mourante - vieille fille, aime sincèrement Hedda, ne voit le mal nulle part, croit au bonheur simple du couple, passe complètement à côté des enjeux et des sentiments de chacun - préfère assister une mourante, ou tout autre malade après la mort de Rina, que de vivre vraiment
Brack : juge - bon vivant, peut-être un peu rustre, en tout cas, l'antithèse de la finesse, de la discrétion de Tesman, et de la passion à vif, de la sensibilité à fleur de peau de Lövborg - fait clairement comprendre son intention de créer un triangle avec Hedda et son mari, triangle exclusif (il sait que Lövborg est un rival : il va utiliser le comportement de Lövborg lors de la soirée de beuverie pour manipuler Hedda et obtenir d'elle sa soumission — soumission que Hedda refusera, jusqu'à la mort)
Berte : servante des Tesman
Ejlert Lövborg : figure du passé, d'avant le mariage de Hedda, et de son départ avec Tesman - lui-même revient dans la ville après une absence - son retour suscite l'inquiétude de Mme Elvsted : on devine que Lövborg a eu une vie dissolue ; à l'inquiétude de Thea, on devine que cette préoccupation trahit une certaine affection - on comprend que Lövborg a été un noceur, qu'il a renoncé à la boisson
Mme Elvsted - Thea : femme du préfet - secrètement amoureuse de Lövborg, qui a logé chez elle et son mari ("là-haut"), tout en étant le précepteur des enfants que le préfet a eus de sa première femme - Thea a activement aidé Lövborg pour la préparation de son deuxième livre à paraître sur le futur des civilisations - elle voit en ce nouvel ouvrage, l'enfant qu'elle aurait eu avec Lövborg

Hedda : victime ou coupable ? coupable ou victime ?
Preso : peu de compassion pour elle
Coupable :
- martyrise et manipule mentalement Thea (qu'elle appelle Thora alors qu'elle prétend lui rappeler les bons souvenirs de leur enfance) - réitère les menaces qu'elle avait faites à Thea de lui brûler les cheveux - impose à Thea un comportement de soumission : placement dans l'espace, la force à assister à la déchéance, la nouvelle chute de Lövborg (lorsqu'elle lui force la main pour boire en révélant à demi-mot que Mme Elvsted est venue prévenir les tesman de la présence de Lövborg dans la ville, et de ses inquiétudes, rompant de la sorte la relation de confiance que Lövborg croyait avoir réussi à construire avec Mme Elvsted) ; déclare qu'elle veut avoir le contrôle du destin d'un homme (celui de Lövborg) ;
- joue avec Lövborg à qui elle fait croire que les échanges qu'ils ont eux ensemble avant son mariage n'avaient aucune signification amoureuse ; lui déclare qu'elle ne veut pas être infidèle quand elle voit bien que Lövborg est encore fou amoureux d'elle ; finalement lui donne un pistolet en l'incitant très clairement à se suicider au nom de la beauté du geste ;
- détruit froidement les cahiers de Lövborg quand elle réalise combien ils sont l'œuvre commune de Lövborg et de Thea ;
- se moque de Tante Juliane lorsqu'elle prend le chapeau que la tante vient de s'acheter pour sortir avec Hedda sans lui faire honte pour le chapeau de Berte (insinuant par là que la tante a des goûts médiocres)
- se moque de Tesman (qui ne s'en rend pas compte - perdu entre amour et passion pour ses études) en reprenant ses tics de langage, ses expressions, son ton ou ses mimiques ("Hein ?", "pense donc")
- son seul objectif : avoir la maison parfaite pour mener une vie mondaine, le lieu et son aménagement - Tesman l'a accepté et pour cela est prêt à faire de grandes dépenses, il espère donc obtenir au plus vite sa nomination en tant que professeur (Hedda n'a que faire des obstacles comme la condition du concours préalable et la perspective d'un endettement ne la fait pas renoncer à ses envies ; Hedda n'éprouve d'ailleurs aucune gratitude à la tante alors que celle-ci explique s'être portée caution pour la maison et les meubles, sur la base de ses rentes et celles de tante Rina)

Victime :
- jeunesse passée avec un père ancien général dont on ne sait pas grand-chose : on devine l'absence, la mort de la mère
- on comprend la rigueur du père, et encore sans excès particulier (ni claustration, ni violence, ni inceste...) : Hedda et Lövborg devait se retrouver dans le salon de la maison du général et en sa présence, pendant qu'il lisait son journal) ;
- Hedda explique que son éducation lui a interdit le jeu des sentiments (raison selon elle qui la poussait à découvrir ces choses à travers les confidences provoquées de Lövborg, au cours de discussions que lui prenait pour des jeu de séduction-provocation sensuelle, lorsque Hedda, elle, prétend qu'il s'agissait d'une curiosité sans conséquence de sa part) ;

Finalement : égoïsme, égocentrisme, capricieuse, lâcheté (Hedda l'avoue elle-même acte III) - Hedda s'applique à éprouver son pouvoir sur les autres (sur Lövborg quand ils étaient "camarades", III ; sur Thea et Lövborg IV scène des punchs glacés ; xxx), à manipuler tous les personnages dans son unique intérêt, n'éprouve aucune émotion à la mort de la tante ; la seule émotion qu'on lui connaît, c'est sa déception lorsque Brack lui révèle que Lövborg ne s'est pas lui-même tiré une balle, dans la tempe comme elle l'espérait, ni même dans la poitrine, mais qu'il a plus vraisemblablement été victime d'un coup tiré par la chanteuse rousse qui lui a tiré dessus en légitime défense, et dans le bas-ventre ; la médiocrité de cette mort lui est insupportable ; face à la perspective d'une cour assidue et vulgaire du juge Brack, elle décide de sortir de ce vulgaire par la mort et se tire une balle dans la tête

Question de l'éducation (bof) ? du scandale, de la pesanteur des normes sociales ? du poids des hommes ? (son père et le juge Brack — mais Tesman semble très souple et disponible, si ce n'est éperdument, passinément amoureux ; Lövborg l'est, mais il est aussi impuissant dans la vie, après le départ de Hedda, il a eu besoin de stabilité : il a quitté sa vie de noceur pour se plonger dans l'écriture, et avec l'aide et l'amour sincère et dévoué de Mme Elvsted, a réussi à se construire une nouvelle stabilité, que Hedda va prendre un malin plaisir à renverser d'un coup)

Hedda en Madame Bovary ? en quête de beauté, de sublime face à la médiocrité, à la tempérance, à la tiédeur des sentiments, de la vie ?

lundi 4 mai 2009

Les Funérailles de la Grande Mémé - Garcia Marquez

8 nouvelles de 1962
La sieste du mardi
Une femme et sa fille arrive en train dans un village endormi sous la chaleur. Elles se rendent à l'église pour pouvoir accéder à la tombe d'un homme, le fils, qui vient d'être enterré, après avoir été tué lors d'une tentative de cambriolage. La mère, digne, ne nie pas que son fils a mal tourné mais en peu de mots fait comprendre qu'il a beaucoup souffert avant d'en arriver là : boxeur contraint, il en a perdu toutes ses dents ; lorsqu'il en a été réduit à voler, elle lui a dit de "ne jamais voler ce qui pouvait empêcher quelqu'un de manger" (comprendre : ne pas priver quelqu'un des moyens de se nourrir ?). Le curé sorti de sa sieste par cette visite imprévue semble bien indifférent à la peine de cette mère : "la volonté de Dieu est insondable."

Un jour comme les autres
Un dentiste est contraint d'extraire une dent au maire du village contre son gré : on comprend que ce maire a fait tuer plusieurs de ses opposants, et que sa gestion des deniers publics est proche de la prévarication.

Il n'y a pas de voleurs dans ce village
Un jeune homme, plus ou moins boxeur, vole les trois seules boules de billard de la salle du village. Un noir est accusé du vol et expulsé du village par bateau, sans que cela perturbe le véritable voleur, jusqu'à ce que des états d'âme et l'alcool le troublent tant qu'une nuit de beuverie, il rapporte les boules à la salle, où il est surpris par le propriétaire d'abord incrédule puis décidé à lui faire payer l'affront en l'accusant contre la vérité d'avoir dérobé une somme d'argent qu'il sait le voleur incapable d rembourser. Trace du fantastique : le voleur a dit à sa compagne qu'il avait vu un gros chat blanc le soir du vol ; il revoit ce chat lors de la restitution mais ce chat disparaît dès l'irruption du propriétaire. Son existence n'est pas prouvée, en fait. Sens de cette vision ?

Le merveilleux après-midi de Balthazar
Un menuisier construit une magnifique cage à oiseaux dont tout le monde reconnaît la beauté/ Le médecin veut l'acheter mais le menuisier refuse de la lui vendre prétextant qu'elle a été faite pour le fils d'un riche propriétaire du village, lequel refuse de lui payer en humiliant le menuisier à qui il reproche d'avoir accepté une commande de la part d'un enfant. L'enfant se met à pleurer, provoquant la colère du père, le menuisier peiné de voir l'enfant dans cet état décide de lui offrir la cage et quitte cette maison sans un sou mais payé des louanges faites au sujet de sa cage, part s'envirer au village, paye des tournées et finit ivre mort, dépouillé, seul, et fier à en pleurer.

La Veuve Montiel
Deuil douloureux de la veuve de don José Montiel qui ne comprend pas ce qu'elle perçoit comme de l'ingratitude des villageois à l'égard de son défunt mari. On apprend que ce commerçant a aidé le maire a éliminer toute opposition politique en faisant assassiner les pauvres et en exilant les riches, dont il acquérait ensuite les biens à vil prix, se constituant ainsi une fortune invraisemblable. Incapable de réaliser la violence et la culpabilité de son mari, la femme se cloître dans son hacienda, se met à se ronger les ongles, tellement que son bras finit par s'ankyloser, signe selon Grande Mémé qui lui apparaît en songe, que sa mort est proche.

Un jour après le samedi
Histoire de trois personnages dans un village improbable, perdu dans le temps : le père don Antonio Isabel du Très Saint Sacrement de l'Autel ; Rébecca, la veuve amère, apparentée au colonel Aureliano Buendia, habitant la demeure dans laquelle le frère du colonel, José Arcadio Buendia fut tué d'une balle de pistolet ; un jeune homme de passage dans le village, descendu du train pour s'alimenter et contraint d'y rester parce qu'il manqua le train qaund il redémarra... Amertume, insensibilité, égocentrisme, mépris de la femme ; sénilité apparente, impassibilité, émotion du père de 94 ans qui dit avoir vu le diable par trois fois, s'attirant la risée et le mépris des villageois, puis le Juif errant, dans un moment de solitude écrasé de chaleur, interprétant la mort de plusieurs oiseaux comme le signe de l'imminence de l'apocalypse ; incommunicabilité entre des figures si longtemps marquées dans des positions antagonistes
"tout s'était effacé de sa cervelle, le théâtre grec et les classiques qu'il ne différenciait pas entre eux mais avait baptisés en bloc : "les petits vieux de dans le temps"."
"En outre, une légende (ou peut-être une histoire) courait au sujet de la famille de Mme Rébecca"

Les roses artificielles
"Après avoir humé longuement le café pour constater qu'il était prêt, elle retira la casserole du feu."

Les funérailles de la Grande Mémé
"Et voici maintenant, incrédules du monde entier, l'histoire véridique de la Grande Mémé, souveraine absolue du royaume de Macondo, qui gouverna sur ses domaines durant quatre-vingt-douze ans et mourut en odeur de sainteté un mardi du dernier mois de septembre, et aux funérailles de laquelle assista le Saint-Père en personne."
"maintenant, oui, l'heure est venue d'appuyer un tabouret contre la porte de la rue et de raconter par le menu les détails de cette commotion nationale, sans laisser aux historiens le temps de venir y mettre leur nez."
Fin d'un temps ancien : la Grande Mémé régnait sur des territoires issus de la répartition des terres du temps des conquistadores, dirigeait ses domaines et leurs habitants comme un seigneur autocratique, arbitraire et paternaliste
- le patrimoine physique : 3 encomiendas concédés par ordonnance royale à l'époque de la Colonie
- le patrimoine invisible : "les demoiselles très distinguées"





Le président de la République, contraint de trouver une ruse juridique pour légitimer sa présence aux funérailles, et le souverain pontife, contraint de quitter sa résidence d'été de Castel Gandolfo en pirogue noire pour traverser l'atlantique et les rivières : l'Etat moderne, légaliste, formaliste et populiste, et l'Eglise, traditionaliste, aux obsèques grandiosement ridicules de la vieille Colombie, à l'amour violent et dominateur pour sa progéniture, légitime ou naturelle, qu'elle a de tout temps organisée (mariages de raison, consanguinité, accaparement, regroupement des domaines) et exploite...

Lola, une femme allemande — Rainer Werner Fassbinder

Une ville d'Allemagne après-guerre, sous occupation américaine, en plein "Wirtschaftwunder"
Le soir, un "salon" regroupe tous les notables de la ville autour de Lola, chanteuse-danseuse-prostituée : l'entrepreneur Stuckert, le maire, le chef de la police, un jeune employé du service de l'urbanisme.

Un nouveau responsable est nommé à la tête du service d'urbanisme. L'homme apparaît rigoureux et scrupuleux. Lola, irritée de ce qu'on lui dit qu'un tel homme n'est pas de "son genre", parvient à lui tirer un baise-main en public lors du dévoilement de la statue érigée en l'honneur du comte Von Staufenberg (pour la réconciliation des allemands, de la résistance et de l'armée). Dès lors, l'homme de dossiers, discret et méticuleux, va se passionner pour Lola, jusqu'à ce que l'entrepreneur et son employé lui fassent découvrir la vérité un soir en l'invitant au salon. Clash : l'homme se sent insulté, Lola, d'abord choquée, assume et chante de plus belle. L'homme va alors s'employer à empêcher le programme... mais finira par céder aux charmes habileent vendus de Lola, au désespoir de sa mère qui aimait cet homme sincèrement.

La question : le projet Lindenhof, un programme de reconstruction immobilière, pourra-t-i voir le jour malgré les violations flagrantes des règles d'urbanisme ?
Autrement dit : quel est le prix du "miracle économique" allemand ?

Les rôles :
- la mère de Lola : vient de Prusse orientale (Pologne), accent ("Chtalingrad" dit-elle, lorsqu'elle parle de son mari tué sur le champ de guerre), une figure de l'Allemagne historique - pré-nazie, ou des racines devenues antagonistes par la folie conquérante
- la femme de Stuckert : femme de la haute désargentée affichant ses principes de pure forme (notamment d'ordre social, d'apparence), méprise Stuckert (scène de la voiture) qui la trompe sans vergogne, ce dont elle a certainement conscience - une scène montre la maison où vivent le couple : une maison quelconque, dans un quartier pavillonnaire, avec une piscine et une nacelle dans un petit jardin (du Tati au rabais) : la noblesse a quitté les châteaux
- Lola : l'Allemagne d'après-guerre : prête à se vendre au mieux-disant, rêve de grandeur, sans scrupule
- Stuckert : l'entrepreneur, les forces économiques, le patronat ; homme du peuple, de peu d'éducation, jouisseur
- le maire : les politiques : peu soucieux des règles, paprtisans d'une application souple, au profit du développement
- le chef de bureau : le peuple allemand, tel que libéré, sur le seuil de son avenir, un pied dans le passé, un autre dans l'avenir, à chercher sa voie : respectueux mais indifférent à l'Allemagne traditionnelle, préfère les charmes du nouveau et de l'occident, jusqu'à la compromission, au renoncement, à la légalité, à la moralité, aux idéaux du socialisme, voire l'anarchisme de Bakounine (citations répétées)
- l'employé : un autre visage du peuple, la classe populaire, fatiguée des idéaux, cède à son plaisir : quitte le parti des moralistes
- les moralistes : autre visage du peuple : en arrière-plan : impuissant, simple bruit de fond ; les patrons et les politiques les tolèrent parce que la Loi fondamentale a sanctuarisé la liberté d'expression, mais n'en tiennent aucun compte (les manifestants qui apparaissent de façon récurrente, de jour, bien sûr, tiennent des pancartes ou défilent sagement, sans violence, sans effet)

Scène finale : après le mariage du chef et de Lola, le chef part en balade avec son ancien employé à présent salarié de l'entrepreneur, pendant que celui-ci se retrouve avec Lola à qui il remet la liste des libéralités qu'il lui destine à sa mort (la souhait de Lola n'était finalement pas très ambitieux : il s'agissait simplement de prendre possession de son propre salon...), se garantissant sa fidélité et ses faveurs. Pendant ce temps, le chef et son ancien employé se retrouvent au pied de la grange où Lola s'était donné au chef de bureau — à la place de Lola, c'est la fille qu'elle avait eue avec Stuckert, qui attend des marques d'attention, attend un nouvel avenir...

vendredi 1 mai 2009

De l'amour et autres démons - Garcia Marquez

Pluie de cocottes de papier à la fin des funérailles de la première épouse du marquis, une cocotte saisie au hasard sur laquelle est écrit : "la foudre, c'était moi."

L'amour central : Cayetano Delaura, le bibliothécaire chargé de l'exorcisme de Sierva Maria de Todos Los Angeles (élevée et aimée par les esclaves noirs, elle se donne le nom de Maria Mandinga) découvre progressivement son amour pour la jeune fille mordue par un chien enragé, que l'on accuse de possession démoniaque à défaut de pouvoir relever des symptômes de la rage


Périphérique : Don Ygnacio de Alfaro y Duenas, deuxième marquis de Casalduero, et Dulce Olivia, prétendument folle, le marquis croit l'aimer et se décide à la fin de ses jours à la retrouver, mais face à l'impossibilité, celle-ci devient un esprit qui continue de hanter la propriété du marquis, y prodiguant les soins ménagers délaissés par les esclaves
Périphérique 2 : la liaison matrimoniale du marquis et de sa seconde épouse, Bernarda Cabrera : impossibilité de l'amour sans raison claire pour le lecteur, de cette union naît Sierva Maria que ni l'un ni l'autre ne parvient à aimer (y retrouvant chacun trop de l'autre), vers la fin de ses jours, le marquis croyant moins haïr sa femme va la chercher dans la sucrerie où elle s'est réfugiée, mais celle-ci lui révèle que leur liaison ne fut que le résultat d'un stratagème manigancé entre elle et le père du marquis, dont le dénouement devait être son assassinat
Périphérique 3 : Bernarda et Judas Iscariote - affranchi au corps musculeux qu'elle découvre un jour de fête alors qu'il combat un taureau à mains nues
Périphérique 4 : la liaison du marquis avec Dona Olalla, sa première épouse, qui périt foudroyée - une cocotte en papier tombée du ciel, produit de la folle éconduite, lui apprend que celle-ci qui a provoqué la mort de son épouse

Le lien Sierva Maria / Cayetano : Sierva Maria mordue par un chien au front marqué d'une lune d'argent / le biblio aux cheveux marqués d'une mèche grise (à 36 ans lors de leur rencontre - qu'il tient de sa mère)

Réf : culture africaine des esclaves : yoruba, congo, mandingue (chants, divinités, sacrifices, bijoux) / culture classique des Espagnols / culture des créoles / culture des séfarades :réf aux Juifs portugais chassés d'Espagne

La captivité de Sierva Maria et les tentatives désespérées de Cayetano pour la retrouver et la sauver : cf La Chartreuse de Parme

Le médecin-magicien-érudit : Abrenuncio de Sa Pereira Cao, craint et respecté pour une prétendue résurrection

La domestique lien entre les époux et l'enfant, garant de la tenue de la propriété : Dominga de Adventio

(petits problèmes de chronologie, cf Bernarda : dans un temps où elle fait des indigestions de cacao, il est dit qu'elle n'en a jamais mangé quand elle rencontre Judas Iscariote)