lundi 31 août 2009

De la bêtise — Robert Musil (1937)

Conférence prononcée à Vienne, à partir d'aphorismes imaginés plus tôt, auxquels il a voulu donner une forme plus vaste, afin d'éviter l'accumulation de formules utilisant le mot de façon trop répétitive, au risque de "rappeler une route bordée de panneaux publicitaires" (écrit-il)

Analyse portant à la fois sur la psychologie, de l'individu et du groupe, sur la politique, sur la culture et l'esthétique

Réf à l'Eloge de la folie de Erasme

Bêtise difficile à définir : Musil recourt aux exemples plutôt que de partir d'une définition préalable ; et donne plusieurs conceptions envisageables du terme

Forme d'incapacité à produire

Variabilité de la notion suivant les périodes ; rapport avec la conception de l'intelligence à une époque donnée

Passage sur le kitsch

Conclusion sur la modestie, meilleur parade à la bêtise, ou à l'image de bêtise que l'on peut donner de soi-même, du moins

samedi 29 août 2009

La Vie et les opinions de Tristram Shandy - Laurence Sterne

Bouvard et Pécuchet avant l'heure (Père philosophailleur et Oncle Tobie contradicteur retors)


Docteur Bran à Suzanne, la servante : "agent de chancres !"

Le livre de la combinaison, de l'association d'idées, de la métaphore
- remonter l'horloge le premier dimanche de chaque mois <—> "autres pensées" pour l'épouse du père Shandy (et vice versa)
(réf Locke)

TS instaure un prétendu dialogue direct avec le lecteur ou la lectrice : Madame, Jeannie (sa femme ? une amie ?), toutes sortes d'hommes respectables (ministres, excellences, honneurs, etc. —> dédicace sans destinataire nommé, offerte à qui le souhaite) et les critiques

I, VI TS fait appel à la patience et l'indulgence du lecteur au sujet de ses baguenauderies ("ne vous fâchez pas")

I, IX dédicace à la Lune, réf Candide et Cunégonde (le Candide de Voltaire paraît en traduction à Londres en 1757, en même temps que TS

I, X TS invite (met au défi) le lecteur de deviner la suite



Désignation de la lubie : dada, califourchon, cheval-jupon, turlutaine, "suivre son ver-coquin",

Théorie du DADA : tout le monde a un dada, les docteurs, les lords, etc. I, VIII "De gustibus non est disputendum"

L'écrivain en action, le work in progress, technique :
- I, XIV l'écrivain face à l'imprévu, à l'idée nouvelle, au travail de recherche qu'elle nécessite, le risque de perdre le fil
- I, XXIII : TS prépare, annonce le portrait de l'oncle Tobie : par quel moyen parviendra-t-il à le dépeindre le mieux ? TS rejette l'artifice de la Renommée de Virgile (Enée et Didon ; "instrument à vent") ; l'examen des selles et des réplétions ; l'utilisationd d'instruments mécaniques (pantographes, lentille) —> TS prétend que le meilleur moyen de décrire un homme est de parler de son cheval-jupon (son petit-DADA-chéri-à-son-Tobie)


Théorie de la prédestination :
- contrat de mariage prévoyait que la mère irait accoucher à Londres mais suite à un déplacement infructueux dû à une fausse alerte, le père impose que sa femme accouche à la campagne —> d'où ce qui s'est passé : la perte du nez (théorie d'une causalité fatale)
- prédestination des noms : Archimède, César vs Nicaise ; le père de TS sort l'argument incontestable du prénom Judas ; noms neutres comme Robert ; mais Nicolas serait l'autre nom de Satan. Application, démonstration par l'exemple : les malheurs de la tante Dinah (aventure avec son cocher). Le pire des noms selon le père : Tristram.

Théorie de la rhétorique :
- Ars Logica avec arguments ex Fortiori, ex Absurdo, etc. I, XXI : invention par TS de "l'Argumentum Fistulatorium (ou Argument de la Petite Flûte) : les cinq ou six mesures du Lillabullero de l'oncle Tobie (quand il ne comprend plus ou ne veut plus discuter) [+ Argumentum Tripodium = du Membre du Milieu, employé par une femme contre un homme ; Argumentum ad Rem = de la Chose en Question : sert exclusivement à un homme contre une femme]
- II, II des dangers des mots : Tobie avait grand peine à expliquer sa blessure, difficulté à expliquer la topographie (termes compliqués : (contr)escarpe, retour d'angle, glacis, chemin couvert, etc.). Tentative d'explication de l'origine de la confusion des idées (3 causes ; recours à Locke). Péril parce que les gens ne s'entendent pas sur le sens des mots
- réf érotèse ; prolepse ; épitase


Personnages :
- Tristram Shandy est le fils de Gauthier Shandy et Elisabeth Molyneux
- Pasteur Yorick : réf Yorick, le bouffon dans Hamlet. Mêmes origines danoises, prétendument. Histoire des chevaux de Yorick, toujours épuisés par l'utilisation par les sages femmes pour aller accoucher la frange lapinante et engrossante de la population -> Yorick va finalement se décide à acquérir un cheval ridicule et lent qui, du coup, ne sera plus sollicié pour les déplacements des accoucheuses. Portrait de Yorick en Don Quichotte : franchise dangereuse, habitude de plaisanterie, Yorick n'y voit pas à mal, sans mauvaise intention, naïveté de croire que ses interlocuteurs ne s'en fâcheront pas —> risque de vengeance soulevé par son ami Eugenius, vérifié par la vie : Yorick, accablé par ses détracteurs, serait mort de chagrin.
- Oncle Tobie : pudeur, pudicité, causée non par une nature féminine, mais par une blessure de guerre, à l'aine. Son DADA sera la cartographie militaire (et autres disciplines liées), origine : parvenir à expliquer clairement et précisément là où il a été touché par une pierre, sur le champ de bataille (à distinguer de l'endroit de sa blessure, sur son corps —> cf Madame Tampon à la fin du livre, ambiguïté de la question "où ?")
- Père : ancien marchand (import depuis la Turquie), retiré sur les terres paternelles


Métaphores :
- toisons et autres parchemins velus frisant sur les Pays-bas des bougresses (Dada d'un docteur)
- nez
- bas-ventre
- métonymies : "les braies" de l'invité qui voit des châtaignes tomber dans l'ouverture de ses braies


Pseudo-science (chez le père : souvent synthèses ± claires de livres scientifiques ± bien digérés) :
- obstétrique : la mère- accoucheuses vs le Docteur Bran
- ballistique
- rhétorique : réf Aristote,
- philosophie : Locke (II, IIEssai sur l'entendement humain : "C'est que je connais beaucoup de gens qui citent ce livre sans l'avoir lu, — et nombre d'autres qui l'ont lu sans l'entendre !" ; "l'histoire de ce qui se passe dans notre propre tête")

Auteurs cités :
- Montaigne
- Ambroise Paré (traité sur le nez)
- Socrate (et la maïeutique)



"un aliboron de baudet"
lazzi
gausseries
goguenarderies
trou-madame
panégyrique
nicaise
salauderies
pasquilles et pasquinades
gambillade et gambades
marrisson
frétillades
folâtreries
capriciosos des plus capricants
s'embarbouiller
s'emberlucoquer
chibalet
colas (imbécile)
coquefredouille
bégaud enfatrassé
emberlusé
disquisitions
étiologie

Anecdotes :
- histoire de Le Fiévré : son fils reçoit une tranche de pain qu'il grille au feu de lac cheminée : une "rôtie" (+vvin de Xérès = les deux classiques de la bouffe rapide du XVIII, XIXème siècle (avantures Dumas, Gautier...)
- voyage de TS en France : scènes de la poste : paiements aux étapes ; sommeil impossible ; avidité des personnels ; matériel rudimentaire ; comp avec l'Angleterre; description de Paris comme ville salle, pas pratique, dangereuse pour les piétons...

vendredi 28 août 2009

Reflets dans un œil d'or — John Huston (1967) d'après Carson McCullers

Dans un camp de la cavalerie américaine, dans le sud, un automne ; un meurtre est commis.

Brando est un commandant de cette unité (Major Weldon Penderton), il enseigne la stratégie militaire, il est marié à Elisabeth Taylor (Leonora). Lui a l'air bloqué dans son image de lui-même (muscu, tenue vestimentaire, comportement, commentaires sur les soldats, sur sa femme, etc) ; elle le trompe avec un haut gradé (Lt. Col. Morris Langdon) et le défie sur le plan sexuel. Le gradé a une femme un peu folle qui ne donne pas d'amour non plus, s'enfermant avec son serviteur particulièrement gay (Anacleto, un philippin, interprété par Zorro David), pour imaginer des choses artistiques, loin du réel.

Sûrement impuissant, Brando est un fétichiste qui se découvre attiré par les hommes (il vole des objets personnels comme une cuiller d'un service à couverts appartenant à un gradé un peu trop féminin au goût de la hiérarchie, mais pas à ceux de Brando ; un papier jeté par terre par le soldat qu'il suit / il fait un éloge de la vie en cantonnement)

Un soldat, chargé des soins de Firebird, le cheval de Leonora, chevauche une jument noire, à cru et fesses nues dans les bois : cette vision traumatise Brando qui va alors le fantasmer, jusqu'à ce qu'il découvre ce soldat au pied du lit de Leonora, en train de toucher ses draps (il est tout autant fétichiste que Brando), et, comprenant que ce soldat semble préférer Taylor à Brando, le tue à coups de pistolet.

BRANDO : corps impressionnant (scène de lever d'haltères ; corps sur le cheval : maladroit mais énorme) ; visage plastique effrayant (grimaces à la limite de la folie quand il se regarde dans la glace, se prend le visage dans les mains, passe du sourire à l'inquiétude...) ; voix (... nasillarde, à peine audible par moments)

Répliques :

Leonora au Lt. Col. Morris Langdon, son amant, à propos de sa femme, un peu tarée : Cutting off her nipples with garden shears! You call that normal? Garden shears!/ l'amant : Well, the doctors say she's neurotic. (plus tôt dans le film, Leonora fait une allusion à cette mutilation en disant que c'est le genre d'actes qu'une femme ne peut faire qu'une fois dans sa vie)

Taylor à Brando, montant l'escalier, après s'être dénudée pour exciter Brando et constatant que cela ne lui fait aucun effet (You disgust me) : Have you ever been collared and dragged out into the street and thrashed by a naked woman?

Alison Langdon (la femme un peu tarée, dans le salon de l'hôtel particulier où son mari l'a emmenée, après qu'elle a déclaré son intention de divorcer (et alors qu'elle multipliait les hallucinations — sauf que les visions d'apparition nocturne du soldat étaient fondées) : Alcoholics, paresis, senility. What a choice crew.

La Nuit de l'iguane — John Huston (1964) d'après Tennesse Williams

Richard Burton : Rev. Dr. T. Lawrence Shannon
Ava Gardner : Maxine Faulk
Deborah Kerr : Hannah Jelkes
(Sue Lyon : la nubile blonde et provoc — Lolita chez Kubrick — ici : Charlotte Goodall)

Un pasteur défroqué et alcoolique se retrouve à faire le guide pour des excursions au Mexique.
De la chapelle où il sermonne les fidèles d'un discours réprobateur à la limite de la folie, on le retrouve à Ciudad Juarez (près de la frontière : les USA, c'est El Paso), cuvant dans la rue avant de remonter dans un car promenant des rombières en goguette.
Allumé par une fille matronnée par l'une de ses clientes, il ne peut résister à ses assauts et la découverte de leur étreinte pousse la matronne à le faire révoquer par son patron (par l'intermédiaire du père de la fille, juge aux USA).
A bout de nerfs, le pasteur se réfugie chez une vieille amie qui tient une auberge dominant l'océan.
Là se retrouvent plusieurs paumés de la vie :
- le pasteur Shannon
- la patronne Maxine qui a perdu son mari un mois auparavant dans un accident de pêche, et comble son manque de sensualité avec deux beach boys locaux. On apprend que son mari avait 24 ans de plus qu'elle et ne lui donnait pas beaucoup d'amour physique — et qu'elle s'était déjà offerte au pasteur, ce qu'il avvait refusé par égard envers le mari et vieil ami.
- une vieille fille, Miss Jelkes, et son grand-père (Nonno), poète, prétendument grand, en fin de vie, qui parcourent le monde (et gagnent leur vie en dessinant des croquis pour elle, en récitant ses poèmes pour lui — mais on apprend la vérité de la bouche du grand-père ensommeillé : la femme fait les portefeuilles des clients des hôtels où ils passent)

Thématiques :
- les fantômes de la vie ("spook" pour Shannon ; "the blue devil" pour Kerr)
- les moyens que chacun use pour les combattre personnellement : alcool ("rhum coco") pour Shannon ; respiration pour Kerr ; beach boys pour Maxine / mais le plus efficace peut être un moyen imposé : Shannon est ligoté au hamac et sevré à l'aide d'un thé à l'opium le temps d'une nuit
- la nécessité de trouver son objectif : pour Nonno, écrire son dernier poème, son grand-œuvre ; pour Kerr, dans l'absolu, établir des communications, tisser des liens avec autrui, et ainsi bâtir son nid à soi —> par son excitation, Maxine révèle qu'elle désire profondément Shannon, à qui Kerr fait comprendre qu'il a lui-même réussi à former son propre nid sans même s'en apercevoir ; mais Kerr semble se refuser la possibilité de ce nid pour elle, et après la mort de Nonno et donc la disparition de son nid, elle n'accepte pas les avances de Shannon
- niveaux de la vie : réaliste et fantastique ; équilibre, passages incessant de l'un à l'autre ; idéal et réel...

L'iguane : capturé par les boys, il est attaché par une corde, destiné à être engraissé pour être mangé. Après son sevrage, Shannon libère l'iguane, en coupant la corde, comme Kerr l'a libéré symboliquement et physiquement (les deux ont joué à Dieu en modifiant le sort de l'animal)

Expressions :
- at the end of the rope = au bout du rouleau
- Shannon à propos de Charlotte : The child is emotionally precocious.
- Hannah Jelkes : There are worse things than Chastity, Mr. Shannon. / Shannon : Yes: lunacy and death.
- Shannon à propos de la matronne de Charlotte, dont la gouinité est centrale dans la distribution des forces : Miss Fellowes is a highly moral person. If she ever recognized the truth about herself, it would destroy her.
- Shannon à H. Jelkes : All women, whether they wish to admit it or not, would like to get men into a tied-up situation.

Le Mexique : dernière frontière, dernière étape, limite du paradis pour Nonno, lieu de vie primitive où il recherche la vérité qu'il souhaite exprimer dans son poème
—> cf Kerouac dans Sur la route : c'est au Mexique que finit sa vie d'errance, où une maladie le cloue au lit alors que Dean repart, c'est la dernière étape avant de "rentrer dans les rangs" et devenir un écrivain respectable...
—> cf un bouquin qu'un mec m'avait passé à l'Objectif Lune, l'histoire d'un homme qui entretient une relation étrange avec un homme plus âgé ; parti au Mexique, il se fait (pour se faire ?) tatouer, mais l'intervention cause une infection, fatale (?)

Connexions :
- Reflets dans un œil d'or : cf Shannon ligoté dans le hamac... Taylor qui domine Brando : Have you ever been collared and dragged out into the street and thrashed by a naked woman?

vendredi 14 août 2009

Paris ne finit jamais — Enrique Vila Matias (2003)

Argument d'une conférence à laquelle le narrateur est invité à revenir sur ses années de débutant écrivain à Paris, avec rapport à l'ironie (thème abandonné au cours du livre)

Années : fin 1960s-début 1970s

VM logeait alors dans une mansarde ("chambre") louée à Marguerite Duras (nombreux mois d'impayés), vivait grâce aux envois de son père (Valence ; père le presse de rentrer au vu de son inactivité ; sa mère, a voyagé à Paris jeune, en a tiré une originalité dans ses expressions ; qualifie VM de "gris", passage sur les raies, les rayures : VM comme un disque rayé, Paris comme une ville de raies Tour Eiffel, fenêtres, etc -> déjà dit par WBenjamin (?)

Parvenant à terminer "La lecture assassine", son premier roman, le narrateur finit par retourner chez ses parents

Nombreuses rencontres littéraires et "réelles"

Parcours du narrateur en quête de conseils, à travers des exemples littéraires ou de la part de personnes rencontrées
- la feuille de Duras et ses 8 rubriques —> va constituer pendant un moment du livre la trame de son déroulement : la vie du narrateur (personnes rencontrées qui oralisent une explication plus souvent que compréhension du sens par le narrateur lui-même) lui apporte des réponses à certains des questions soulevées par ces rubriques
- Duras : "Rimbaud ou Mallarmé ?" : l'aventure pour l'imagination contre l'appartement parisien

Ombres de :
- Hemingway : Paris est une fête (d'où est issue la phrase titre) ; le Vieil homme et la Mer (comme chant d'adieu d'un écrivain qui aura lutté toute sa vie et livre son dernier combat — Prix Nobel pas très bien accueilli) ; nbrs anecdotes sur H dans son rapport à la vie et à l'écriture, ses rapports avec Fitzgerald comme écrivain déjà célèbre
- Duras, forcément : VM fait ± partie d'une bande autour d'elle ; Benoît Jacquot (autour du film India Song)
- Pérec
- Sollers
- Gary ; Jean Seberg
- les personnages qui l'ont précédé dans la mansarde : Mitterand ("camarade Morand") pendant 2 jours de 1943 ; le bohème Bouvier (?) devenu fou à force d'y être resté enfermé selon ses dires

Références :
- Borges (laboratoires, source d'idées —> thématique du passé recréé, du futur irréel, des labyrinthes, de la littérature comme appréhension du monde, de la force de l'imagination, de la vie suivant l'écriture : vivre ce que l'on a écrit et construire la réalité après-coup
- Walter Benjamin Le livre des passages (+ Céline : passage Choiseul de l'adolescence de Mort à crédit)
- les poètes ou écrivains maudits : Lautréamont (un ami de VM l'appelle d'une ville près de Montevideo, ville de naissance de Lautréamont) mais surtout Rimbaud, Raymond Roussel (VM estime qu'il fut précuseur des OuLiPo, mais ans succès de son vivant)
- le situationnisme (VM n'y comprend rien : ne s'y réfère que par mimétisme) -> ou pataphysicien quand il entend ce terme une fois encore dans la bouche d'un écrivain ; Lacan (n'y comprend rien non plus)
- Nerval : le Diable Vauvert : VM le voit à la Closerie des Lilas, spectre lui parlant à lui seul, sorti des caves, des bouteilles bues

Lieux :
- autour de St-Germain et de Montparnasse, la Flore (Barthes
Techniques récurrentes :
- des phrases prononcées, des idées émises par des personnes rencontrées s'avèrent être des phrases tirées de passages de livre, des idées exprimées par d'autres avant : citations permanentes volontaires (le conseil de Duras citant Queneau à la fin du livre) ou involontaires, volées : Marais faisant sien un conseil de cocteu, une amie de VM citant Benjamin ; idem dans les anecdotes rapportées à propos de H
- la réalité devancée par l'imaginaire (des situations imaginées qui se déroulent en vrai)

Réf : l'argument de la conférence se trouve aussi dans de Quincey, De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts : un narrateur introduit dans les trois premières pages le gros du corps du livre : le texte d'une conférence trouvée par hasard (écrit pour être lu dans un club d'amateurs du crime)

mardi 4 août 2009

La Princesse de Clèves — Madame de Lafayette (1677)

Marie-Madeleine Pioche de la Vergne 1634-1693 : vécut sous la régence d'Anne d'Autriche (1643-1651) et le règne de Louis XIV (1638-1651-1715)

Mlle de Chartres épouse le Prince de Clèves sans amour et découvre la passion à la vue du duc de Nemours qui la courtisera avec assiduité jusqu'à la mort du Prince et la retraite de la Princesse qui préférera refuser l'union avec Nemours par respect pour son défunt mari (dont elle s'estime coupable de la mort, causée par la jalousie du Prince, quelque infondée qu'elle fût au regard de la vertu) et par peur de l'usure des sentiments (diminution de l'amour avec le temps + jalousie), et restera un modèle de vertu jusqu'à la fin de sa courte vie, choisissant le retraite, entre une maison religieuse et chez elle, "et dans les occupations plus saintes que celles des couvents les plus austères"

—> la princesse de Clèves aura épousé un homme qu'elle n'aimait pas et après la mort de son mari se sera refusé à un homme qu'elle aimait et qui l'aimait, préférant au monde une retraite et une austère vie de vertu
- la vie exemplaire de la princesse est à la fois une leçon de maîtrise de ses passions et de son corps mais aussi un effrayant modèle de prophylaxie du risque de la vie sociale : consciente des risques du mariage, la princesse préfère l'éloignement à la proximité de la tentation : aveu de faiblesse d'une certaine façon
- la narratrice indique que la distance et le temps ont fait que la passion de Nemours a fini par s'éteindre ; en plus des mises en garde de sa mère, des exemples vécus par elle ou d'autres, ce désamour conforte l'opinion et la décision de la Princesse

Eloignement :
- excuse de la faiblesse pour ne pas assister à des événements où elle sait que Nemours sera présent
- consignes aux domestiques : ne pas la déranger, ne pas même rendre compte des visites de Nemours
- retrait dans la maison de Coulommiers
- retraite dans la maison religieuse

-> "j'y vais, j'y vais pas"
-> "ma mère avait raison", "les mères ont toujours raison"
-> "la Princesse de Clèves est-elle morte vierge ?"

Modèles, exemples, contre-exemples :
En femmes :
- le modèle de vertu absolu : la mère de Mlle de Chartres
- le modèle de vice absolu : la duchesse de Valentinois
- le modèle de fausseté : Mme de Tournon (1 LPC croyait aux apparences de l'affliction de Mme de Tournon après le décès de son mari ; 2 LPC apprend en plus de Sancerre qu'elle s'était engagée auprès de deux hommes différents)

En hommes :
- le Vidame de Chartres : vie dissolue
- Nemours, à tort ou à raison, au su ou à l'insu de LPC, mais au su du lecteur : la rumeur que Nemours est le destinataire de la lettre tombée de la poche du Vidame fait naître une jalousie vive chez LPC / pour le lecteur, le mensonge de N lorsqu'il insinue à LPC que son mari a pu révéler lui-même la scène de la révélation dans le jardin, et les conséquences de ce mensonge, tendent à illustrer le bien-fondé des craintes de LPC

Le monde, ses règles, ses devoirs :
- mariage arrangé de la Reine d'Angleterre
- mariage arrangé du duc d'Albe (Mme de Lafayette ne défend pas uniquement la cause des femmes ?)
La lettre [une femme reproche à un homme de l'avoir trompée dans ses espoirs quand elle découvre qu'il est aimée d'une autre, envers laquelle il a pris la même sorte d'engagements] : attribuée par certains à Nemours, au Vidame de Chartres par d'autres : elle circule de mains en mains jusqu'à la Reine Dauphine qui la confie à la Princesse — celle-ci croit la rumeur qui dit qu'elle est tombée de la poche de Nemours — le Vidame demande à Clèves de s'en donner la paternité pour ne pas le compromettre auprès de la Reine qui est déjà jalouse et soupçonneuse — la lettre finit par être restituée à son véritable auteur, la duchesse de Martigues, amante du Vidame, alors que la Reine la réclame —> occasion pour la Princesse et Nemours de se retrouver ensemble pour rédiger un faux (retard dû au plaisir et à la distraction que leur proximité leur procure)

Le duc de Nemours


mort du Roi (Henri II) due à un excès de confiance : il fait le combat de trop, contre le duc de Montgomery dont un éclat de la lance se fiche dans un œil du Roi, qui mourra quelque temps après

mort du Prince de clèves due à l'émotion provoquée par la jalousie éprouvée à l'encontre de Nemours : informé par un de ses gentilhommes que Nemours s'est rendu deux fois de nuit au pavillon de Coulommiers où se trouvait la Princesse, Clèves croit qu'une liaison existe donc bien entre eux : il souffre de voir sa femme aimer un autre homme quand il voulait croire que l'absence d'amour de la Princesse à son égard était causée par son incapacité à éprouver de la passion par nature (souffrance de l'amant + souffrance du mari : Clèves peut aussi envisager une humiliation sociale)


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Cadre historique situé dès les premières lignes de LPC : règne des Valois : Henri II (1519-1547-1559 de la mort de son père François I 1494-1515-1547 à sa mort lors d'un tournoi — son fils François II 1544-1559-1560 lui succède un an jusqu'à sa mort, qui ouvre la Régence de Catherine de Médicis, épouse de feu Henri II, qui prend fin avec l'accession de Charles IX 1550-1560-1574, fils de HII, fr de FII)

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Scènes clés
- soies : après la mort du PC, LPC se rend dans un magasin de soies près de chez elle, où elle apprend l'existence d'une chambre donnant sur ses jardins et sa maison, et qu'un homme l'occupe, qu'elle devine comme pouvant être N : confirmation un jour où LPC regarde par la fenêtre dans la direction de cette chambre (le narrateur nous apprend que N s'en aperçoit, et s'en réjouit car il avait espéré qu'elle le remarquât) —> cf La Chartreuse de Parme : Clélia dans ses appartements et Fabrice dans sa cellule : Fabrice regarde Clélia jouer avec ses oiseaux (souvenir d'une distance magique, suspendue)
- espionnage/voyeurisme : Nemours épie LPC deux nuits aux abords de la maison de Coulommiers, tente même de pénétrer dans la maison (l'ayant vu, LPC se retire dans ses appartements) / N épie encore LPC depuis le magasin de soie
- tableaux : N vole un petit portrait durant une séance de peinture / LPC se fait apporter à Coulommiers la copie d'un tableau représentant la bataille de Metz sur lequel figure N
- couleurs : durant le tournoi fatal, N combat vêtu de noir et de jaune, la couleur préférée de LPC qui le dit un jour, déplorant de ne pouvoir porter cette couleur du fait de sa blondeur / à Coulommiers, N aperçoit LPC nouer des rubans de tissu du même jaune sur une crosse

Féminisme ? de repli, de protection
Pas de "conversion" ou d'entrée dans les ordres pour LPC : cette solution ne lui paraît pas la meilleure —> retraite "civile" : juste équilibre ? du coup, relativiser le tragique ?

Aucun personnage d'ecclésiastique dans le livre (à part le cardinal de Lorraine)

Lien avec la préciosité, le classicisme, le jansénisme


EDIT 5/08/09, 6