Poèmes en prose plus noirs que Baudelaire et Sade, du Burroughs avant l'heure, mélange de délires, de visions monstrueuses mêlant humains, animaux et créatures d'un bestiaire diabolique, et de cadres classiques à la littérature XIXème comme les nuits ou les paysages romantiques (falaises, mers déchaînées, rues désertes de Paris, landes fantômatiques, etc.)
Référence à Balzac et son Vautrin quand le narrateur fait de Maldoror un forçat habitant un hôtel particulier du centre de Paris, qui recueille un homme pour en faire le bras armé de ses crimes
Maldoror fait parfois penser à Grenouille, le monstre parfumeur assassin du Parfum de Suskind : physique (réf aux narines) et comportement meurtrier
Confusion constante entre le "je" du narrateur et le personnage de Maldoror ; discours directs et indirects enchâssés
Intrusions nombreuses du narrateur en discours adressés au lecteur, concernant sa technique d'écriture ; les attentes du lecteur, son impatience, son intérêt qui a fait suite à une première répulsion, à force d'efforts de lecture ; concernant la logique ou l'impossibilité des choses écrites ; beaucoup d'ironie ; apparence du délire dans des parenthèses interminables dont le narrateur a conscience et qu'il avoue en même temps qu'il se moque du lecteur
Maldoror : sorte d'archange, un ange jadis adoré et respecté de tous les séraphins, puis déchu si l'on en croit l'ange-tourteau envoyé par le Créateur (ch6), qui paraît impuissant à achever Maldoror, et dont on sent qu'il lui porte une affection particulière (au moins en ce qu'il ne cherche pas à anéantir Maldoror malgré sa toute-puissance : il se retire souvent vaincu et méprisé)
Physiquement : blondeur ; lèvres : de jaspe, lèvres quasi-inexistantes ; référence au crapaud pour se décrire ; par moments taille et forme humaines, à d'autres formes et dimensions monstrueuses (combat le monstre tigre à la queue de poisson sous la forme d'un aigle géant) ; force herculéenne ;
Le narrateur : réf à des origines de Montevideo
Thèmes récurrents :
- mathématiques (une strophe entière dédiée — pas lue en entier)
- sourire : le narrateur déclare refuser le rire (mais même Maldoror ne peut se retenir — "lèvres qui s'élargissent")
- squales : requins mâles et femelles (Maldoror s'accouple à une requin femelle quand il voit en elle une semblable dans la cruauté lors du naufrage d'un navire près des côtes, au cours duquel il abat d'une balle un naufragé nageant de toutes ses forces vers la falaise)
- pou (une strophe entière lui est consacrée)
- registre scatologique : mers d'excréments ensanglantés, vase de nuit (jusqu'à l'ustensile couronnant Aghone, le fou recueilli par Maldoror ch6), espaces insalubres ("toilette" de la prostituée par les coqs qui lui dévorent les lèvres rouges) / sperme et cyprine
- lèvres de Maldoror : mouvements, tensions, forme, finesse jusqu'à l'inexistence, couleur
- falaises, mer, promontoire : points d'observation d'où Maldoror scrute l'humanité
- pédérastie ; incertitude du sexe mais préférence pour les jeunes garçons (dans le lupanar, crime révélé par un cheveu...) même si Maldoror pratique aussi le meurtre de jeune fille (dans les champs, M viole la fille et ordonne à son bouledogue d'achever l'enfant ; le chien préfère la prendre lui aussi ; M le châtie en l'éborgnant, et tue la fille en l'éviscérant à l'aide d'un couteau à multiples lames)
- métamorphoses omniprésentes sans que leur cause soit toujours expliquée ; anthropomorphisme appliqué à des animaux ou métamorphoses d'hommes en animaux (le fils et le mari d'une femme, transformés en scarabée et en vache) / interpénétration des humains et des animaux : Maldoror (ou le narrateur, ou le Créateur ?) transformé dans son attente sans fin en une forme monstrueuse où des éduses ont pris la place des fesses, une vipère celle du sexe, des hérissons celle des testicules, etc.)
- registres de l'horreur empruntés aux sciences médicales (récurrence des anomalies du corps comme le "vice de conformation" des appareils génitaux ; maladies et leurs manifestations dermatologiques : lèpre noire (souvent citée), furoncles, autres maladies comme le ténia (bcp cité, ainsi que les anneaux) ; déformations dues à la fatigue : cernes, couleur de la peau) ; aux sciences naturelles : animaux curieux,
Si il y a une explication à la cruauté de Maldoror, elle semble être à trouver dans celle des humains et du Créateur :
- celle du Créateur qui permet la cruauté des hommes, qui inflige des douleurs atroces et des peines à ses créatures ; qui viole leur intimité et le secret de leurs pensées (le narrateur explique comment il lutte contre le sommeil et résister contre l'immixtion du Créateur dans ses pensées endormies) ; M rejette son emprise aussi du fait de l'hypocrisie du Créateur envers ses créatures
- celle des humains : cruauté des hommes envers les enfants (scène de l'enfant qui court derrière un bus parisien, remarqué des passagers qui ne font pas arrêter le bus, alors même que l'enfant tombe à terre) ; cruauté des hommes et des femmes (la mère et la fille qui pendent un jeune homme pour se venger de son refus de s'accoupler à elles, et fouettent avec des câbles lestés de billes de plomb sa peau préalablement goudronnée, pour que les coups pénètrent plus encore dans la chair)