jeudi 29 janvier 2009

Satyricon de Pétrone

Déambulations d'Encolpis dans Rome et l'Italie méridionale, sur mer et sur terre, dans les rues, les bordels, les thermes, les triclinium(s), etc.

Contexte historique dans le roman : 
- 49 retour de César de Gaule -> guerre civile contre Pompée
- 48 victoire de César sur Pompée en Thessalie (à Pharsale)
- 44 César est assassiné par Brutus, Cassius, etc.
- 42 l'armée de Brutus et Cassius est battue par celle d'Octave et Antoine à Philippes
- 31 l'armée d'Antoine et de Cléopâtre (leurs flottes) est battue par Octave à Actium

Encolpis aime Giton (16 ans), qui aime et est aussi aimé d'Ascyltos. Ces trois personnages errent ensemble avant de se séparer quand Encolpis surprend Giton et Ascyltos ensemble.

Encolpis et Giton suivent Ascyltos près de Rome dans le castelet d'un chevalier romain, Lycurgue, ancien "frère" d'Ascyltos (qui le séduit à nouveau). Dans ce lieu, rencontre avec Lycas, un propriétaire de navires qui tombe vite amoureux d'Encolpis, et de Tryphonea, "commère" de Lycas. Pendant que Lycurgue et Ascyltos se retrouvent, Encolpis et Giton se rendent chez Lycas où la femme de celui-ci, Doris, tombe amoureuse d'Encolpis, et où Tryphonea "sèche jusqu'à la moelle" Giton. Lorsque celui-ci se repose, Tryphonea convoite Encolpis qui résiste, entraînant chez elle une certaine haine inextinguiblle -> jusqu'à la fin puisque sur le bateau de Lycas où ils se retrouvent tous, une dispute éclate entre tous ces personnages (Giton reconnu à sa voix ; Encolpis à la taille de son organe, soupesé par Lycas), à laquelle il n'est mis fin que par la menace que Giton fait à Tryphonea de se couper le sexe (de son côté, Encolpis fait mine de se trancher la gorge, mais il semble que cela ait moins d'effet).

Long passage consacré au festin donné par Trimalchio, esclave affranchi et enrichi ; occasion de plusieurs descriptions de mets, de réjouissances, de comportements, de rapports aux esclaves, etc.

Eumolpus : vieux poète pauvre dont le chant intempestif provoque des accès de violence de la part de ceux qu'il importune (dans les thermes, etc.). Occasion du poème sur la guerre civile en fin de livre. C'est lui qui a l'idée de se faire passer pour un vieillard cacochyme au seuil de la mort lorsqu'ils débarquent à Croton, lieu réputé pour être habité par des chasseurs d'héritage (des parents qui tentent de placer leur fils ou fille auprès de vieux sur le point de mourir). Sur cette espérance, des habitants leur offrent l'hospitalité (mais se retournant contre eux lorsque le stratagème est dévoilé). Technique pour obtenir les faveurs du jeune éphèbe dont il se fait tuteur : murmurer une prière à ses côtés dans la nuit (dans le triclinium, après une soirée avinée) sur le mode : "Vénus, si j'obtiens... de lui et qu'il ne sent rien, je lui offrirai alors..." : le garçon feint de dormir, cède, et le matin obtient ses cadeaux... ça commence par un couple de colombes (baisers), puis deux coqs de combat (caresses), puis la promesse porte sur un cheval de course (rapport) mais là, Eumolpus n'en a pas les moyens -> colère du garçon et rejet des nouvelles approches, menaçant de révéler les méfaits du vieillard à son père... jusqu'à ce qu'Eumolpus force sa volonté, obtient un nouveau rapport et s'endort... puis se réveille sous les prières pressantes du garçon qui en redemande ; là, c'est Eumolpus qui menace de tout dire à son père. (LXXXV-LXXXVII)

Fin du livre : Encolpis devient impuissant. Ce n'est pas l'envie qui lui manque de baiser Chrysis ou sa maîtresse mais les  remèdes aphrodisiaques ni les sacrifices ne font rien contre la faiblesse de ses nerfs, qui déclenche naturellement le courroux des femmes qui le courtisent.

Satyricon est plein de pastiches de l'Enéïde essentiellement (l'argument de la pérégrination en Itaie , les tempêtes ; la technique d'écriture) mais aussi des Métamorphoses d'Ovide (notamment dans les références à des amours ou des transformations mythologiques ; et dans le passage sur le végétarisme (cf. passage sur Pythagore, livre XV des Méta.)

Trad. de Tailhade -> style presque célinien (univers : scato, sexo, couardise des personnages, fuite, impuissance, etc.), mélange de vulgaire et de savant, de néologismes, parfois chiant (chez Trimalchio). La préface indique que Tailhade a réinventé, réécrit des phrases entières.

Encolpis : nom grec : "celui qu'on tient dans ses bras"
Ascyltos : nom grec : "l'infatigable"
Giton : nom grec : "le voisin"
Tryphœna : nom grec : "la voluptueuse"
Trimalchio : "trois fois petit roi"
Eumolpus : nom grec : "celui qui chante bien" (complainte sur le sort du poète dans la société : LXXXIII, LXXXIV)

mérétrices : prostituées
cinède : prostitué mâle (spatalocinèdes : prostitués lascifs)
les (Dei) Consentes : les douze grands dieux olympiens : Jupiter et Junon (Zeus et Héra M/F), Neptune et Minerve (Poséïdon et Athéna ?), Mars et Vénus (Arès et Aphrodite ?), Phébus et Diane (Apollon et Artémis F/S), Vulcain et Vesta (Héphaïstos et Hestia ? Vulcain/Héphaïstos est marié à Vénus/Aphrodite), Mercure et Cérès (Hermès et Déméter ?)
Cælitès : les habitants du ciel -> les dieux
gobeleter
mystes : initiés
parthénie : petite fille -> Pannychis (nom grec : "nuit blanche"), 7 ans, que l'on va dévirginer
pallium : manteau
Quiritès : citoyens
triclinium : salle à manger (tricliniarchès : esclave qui supervise le service de la salle  à manger)
thalamus : chambre nuptiale
buccinateur : joue du buccin (trompette courte recourbée) ; tibicen : flûtiste de musique romaine (choraulès : flûtiste de musique grecque) ; tubicinaires : joueur de trompette
iatraliptès : masseur
pyxide : petite boîte
ostiaire : portier
atrium : grande pièce de réception à l'entrée de la maison
promulsis (pl) : hors d'œuvre ; épidipnis (sing) : dessert
Orcus : la Mort
myriologue : discours long d'une lieue (mot formé par Tailhade)
érigone : vierge (à propos d'une truie)
Marsyas : satyre compagnon de Bacchus (souvent sur les fontaines)
manumission : cérémonie d'affranchissement de l'esclave au cours de laquelle on donne un soufflet celui-ci. Une taxe de 5%, 1/20, de la valeur estimée de l'esclave doit alors être payée. Coutume d'affranchir un esclave mourant.
apophorètes ; petits cadeaux à emporter
battologies : radotages ; calembredaines
Bacchus : "Liber (lat.)/Lyæus (grec)" : libérateur ; "Bromius : frémissant ; "Evius" : le dieu qu'on célèbre au cri de "évoé !"
subhaster : vendre aux enchères
lanista : patron d'une troupe de gladiateurs professionnels
bestiaire : condamné aux bêtes ; "tiers venu" : le gladiateur qui remplace le mort ; Thrax : glad. muni d'un sabre court et d'un bouclier
pétauristès : acrobates
nénies : bagatelles (choses de faible valeur, comp. menu fretin)
peristasis : le sujet (d'une déclamation)
Sibylle : la Sibylle de Cumes avait obtenu de vivre autant d'années qu'il y avait d grain sur une plage, mais avait oublié de demander la jeunesse éternelle
cordax : danse lascive, interdite en principe aux personnes convenables
atellanes : farces populaires (ancêtres de la comedia dell'arte)
codicilles ; tablettes à écrire
Tutelle ou Tutèle : divinité protectrice (not. d'un lieu)
contubernale : concubine d'un esclave
lacunar (m) : plafond à caissons
stryges  (f) : sortes de vampires ou de sorcières (aériennes)
tripudier : danser
torus : lit ; mense : table
mattées : ragoûts
exeat : permission de sortir
periscelis : anneaux de tour de cheville ; armilles : bracelets de bras
sudarium : mouchoir (noué autour du cou)
epulum : repas public offert par un magistrat à son entrée en charge
"par le fil et par l'aiguille" : "de A à Z"
cubiculum : chambre
parentales : banquet funèbre ; novendial : banquet tenu le neuvième jour après les obsèques
ergastule : prison d'esclaves
succubat : "plaisir passif"
infula : bandelette sacrée
strigile : petit racloir pour enlever la crasse au sortir de l'étuve
tepidarium : pièce de transition entre l'extérieur et l'étuve
mentule (f) : organe
semicintium (m) : ceinture
novacula (f pl) : rasoirs
supins : gens étendus
contumélie : outrage
lecticarius : porteurs de litière
éphialte : cauchemar
libation piaculaire : offrande expiatoire
animadversion : désapprobation latente, hostilité sourde, antipathie... (ATLIF)

Prométhée enchaîné d'Eschyle

Eschyle

Prométhée est un dieu de deuxième génération qui a aidé Zeus à vaincre Cronos (fils d'Ouranos, propre père de Zeus) dans son combat contre les Titans, lesquels croyaient pouvoir vaincre grâce à leur seule force.
Mais Prométhée à pris parti pour les éphémères, les humains mortels, que Zeus voulait remplacer par une nouvelle espèce. Alors que les humains étaient reclus dans des grottes sans lumière, Prométhée leur a donné le feu mais aussi tous les arts, de l'agriculture à la céramique (Prométhée était adoré à Athènes à ce titre par les artisans du Céramique). Il leur a aussi donné l'espoir.
Zeus fait attacher Prométhée sur e Mont Caucase par des liens fabriqués par Héphaïstos (qui ne s'acquitte pas de sa tâche sans une certaine peine pour Prométhée).
Prométhée a de plus des dons de vision : il connaît le passé d'Io, la vierge transformée en vache par Héra, jalouse de l'amour que Zeus lui porta (par des apparitions en songe, il lui intima l'ordre de se laisser abuser par lui) et, victime d'un taon qui la pique sans relâche, condamnée à errer entre l'Europe et l'Asie (mer ionienne d'après son nom parce qu'elle est passé par e détroit), ainsi que son avenir qui la verra passer par le détroit de Bosphore...
Approché par Océan, les océanides et Io, Prométhée déclare que sa peine est injuste et que Zeus est sans pitié, que tout effort pour l'attendrir serait vain. Par conséquent, il ne retient pas le conseil qu'Océan lui donne de modérer ses propos à l'encontre de Zeus.
Prométhée déclare de plus que grâce ses dons oraculaires, il sait que Zeus sera renversé à son tour (par le fils de Thétis : celui qu'elle aura avec Zeus ou avec ?). Zeus dépêche Hermès pour connaître son avenir de la bouche de Prométhée, lequel refuse de livrer son secret.
Dans ce Prométhée, Zeus fait s'écrouler la montagne sur Prométhée enchaîné en punition de l'effronterie, de la fierté de celui qui ne veut pas souffrir en silence, taire sa révolte en acceptant son sort, ni révéler son futur à Zeus.

Il y aurait deux suites données par Eschyle : Prométhée déchaîné et Prométhée porteur de feu.
Prométhée voit sa peine aggravée par Zeus qui envoie un aigle dévorer le foie de Prométhée tous les deux jours. Héraclès-Hercule sauve Prométhée en le libérant de ses liens. Prométhée se soumet alors à Zeus en acceptant de porter une couronne d'osier en rappel de ses liens.

lundi 12 janvier 2009

L'Art d'aimer

Ovide. Editions Les belles lettres. Huitième édition. 2002
3 livres : 

v1 S'il est quelqu'un de notre peuple à qui l'art d'aimer soit inconnu, qu'il lise ce poème, et, instruit par sa lecture, qu'il aime. 

v9 Il est farouche, à la vérité, souvent rebelle à mes leçons, mais c'est un enfant, âge souple et qui se laisse guider. (parlant de l'amour :"Moi, Vénus m'a donné comme maître au jeune Amour" v7)

v21-25 (...) l'Amour m'obéit, bien qu'il me perce le coeur de ses flèches, et qu'il agisse et brandisse ses torches. Plus violemment l'Amour m'a transpercé, plus violemment il m'a embrasé, mieux je saurai me venger des blessures qu'il m'a faites.

v35 Avant tout, préoccupe-toi de trouver l'objet de ton amour, soldat qui, pour la première fois, affrontes des combats où tu es neuf. Consacre tes efforts ensuite à toucher la jeune fille qui t'a plu, et, en troisième lieu, à faire durer ton amour. [plan du livre]

[Où chercher ? A Rome même]

v41 Tandis que, libre encore, tu vas où tu veux, la bride sur le cou, choisis celle à qui tu puisses dire : "Toi seule me plais." Elle ne tombera pas du ciel, glissant dans l'air subtil ; il te faut chercher la femme qui charmera tes yeux.

v49 Toi aussi, qui recherches un objet qui fixe ton amour pour longtemps, apprends d'abord où l'on rencontre en abondance la jeune fille.

v61 Si tu es séduit par des charmes jeunes et encore dans leur développement, à tes yeux s'offrira, intacte, une jeune fille. Préfères-tu une beauté épanouie ? Mille, dans l'épanouissement de leur beauté, te plairont, et, malgré toi, tu ne sauras où fixer tes voeux. Que si, par hasard, tu aimes un âge mûr et plus expert, la troupe, crois-moi, sera encore plus compacte.

[lieux : promenades et lieux publics ; forum ; théâtre ; cirque ; naumachie de César puis triomphe (cérémonie) : occasion, dans le texte, pour Ovide de faire l'éloge de César, et occasion, sur les lieux du triomphe, de rencontrer de jeunes gens ; A table]

v79 Les forums même — qui pourrait le croire ? — conviennent à l'Amour, et, tout bruyants qu'ils soient, souvent une flamme y est née.

v99 C'est pour voir qu'elles viennent ; mais elles viennent aussi pour être vues ; l'endroit est dangereux pour la chaste pudeur.

v139 Assieds-toi contre celle qui te plaît, tout près, nul ne t'en empêche ; approche ton flanc le plus possible du sien ; heureusement la dimension des places force les gens, bon gré mal gré, à se serrer, et les dispositions du lieu obligent la belle à se laisser toucher.

v229 On rencontre aussi des occasions à table, dans les repas, et le bon vin n'est pas la seule chose à chercher.

v237-244 Le vin prépare les coeurs et les rend aptes aux ardeurs amoureuses ; les soucis fuient et se noient dans des libations multiples. Alors naît le rire ; alors le pauvre prend de la hardiesse ; alors disparaît la douleur, ainsi que nos soucis et les rides de notre front. Alors les âmes s'ouvrent en une franchise bien rare à notre époque ; c'est que le dieu chasse les artifices. Là souvent le coeur des jeunes hommes a été ravi par des belles ; Vénus, après le vin, c'est du feu sur le feu.

v245 Mais n'accorde pas trop foi à la trompeuse clarté de la lampe : pour juger de la beauté, la nuit et le vin sont mauvais. (...) La nuit dissimule les défauts, elle est indulgente à toues les imperfections ; à ces heures-là, toute femme semble belle.

v253 Faut-il dénombrer les réunions de femmes, propres à la chasse aux belles ? J'aurai plutôt compté le nombre des grains de sable.

v269 Avant tout, que ton esprit soit bien persuadé que toues les femmes peuvent être prises : tu les prendras ; tends seulement tes filets. (...) Celle même, dont tu pourrais croire qu'elle ne veut pas, voudra. L'amour furtif est agréable à l'homme ; il l'est aussi à la femme : mais l'homme sait mal dissimuler, la femme cache mieux ses désirs. Si le sexe fort s'entendait pour ne pas faire les avances, la femme, vaincue, prendrait bientôt le rôlede les faire. 

v343 Donc va ; n'hésite pas à espérer triompher de toutes les femmes ; sur mille, il y en aura une à peine pour te résister. Qu'elles cèdent ou qu'elles résistent, elle aiment toujours qu'on leur fasse la cour ; même si tu es repoussé, l'échec est pour toi sans danger. Mais pourquoi serais-tu repoussé, quand on trouve toujours du plaisir à une volupté nouvelle, et que l'on est plus séduit par ce qu'on n'a pas que par ce qu'on a ? 

v415 Prends bien garde à l'anniversaire de ton amie, et que le jour où il faut faire un cadeau soit néfaste à tes yeux ! Tu auras beau t'en défendre, elle t'arrachera quelque chose : la femme a trouvé l'art de s'approprier l'argent d'un amant passionné.

v433 Non vraiment, si je voulais énumérer tous les abominables artifices des courtisanes, dix bouches et autant de langues ne me suffiraient pas. 

v441 Promets, promets ; cela ne coûte rien ; en promesses tout le monde peut être riche. L'espérance, du moment qu'on y ajoute foi, dure longtemps ; c'est une déesse trompeuse, mais bien utile. Si tu as fait quelque cadeau, on peut t'éconduire par tactique : on aura profité du passé et l'on n'aura rien perdu. Mais le cadeau que tu n'as pas fait, tu peux sembler toujours sur le point de le faire.

v451 Le point difficile, le travail délicat, c'est d'obtenir les premières faveurs sans avoir fait de présent (...).